A une époque où l’on vante le développement personnel et le bien-être, où par la force des choses, face à un monde devenu carrément anxiogène pour les pauvres être fragiles que nous sommes, tout ce qui relève du Feel Good (film, série, livre, bouffe et… disques) devrait être remboursé par la sécu, voir (re)débarquer I Fell Apart, premier et unique album des américains de Beach Vacation est une excellente entrée en matière d’un été que l’on voudrait capable de nous faire oublier une bonne fois pour toute tous ces tracas pandémiesques, même si ça n’est de toute évidence pas gagné. C’est le label brestois Too Good To Be True qui le réédite afin d’élargir à sa petite échelle l’audience microscopique d’une première édition cassette tirée à 70 exemplaires et publiée l’an passé sur un obscur mais ultra prolifique label de Bratislava, Slovaquie, Z Tapes. La loi du genre a ses charmes, ses limites aussi. On ne sait pas grand-chose des deux américains Tabor Rupp et John DeAvilla si ce n’est qu’ils étaient encore au lycée quand est sorti leur premier disque, Maritime EP et ils auront mis 7 ans à lui donner une suite, ce premier album, simple et touchant, parfait pour l’été, un disque qui fait du bien.
Si la ligne directrice musicale qui guide ce disque n’est forcément évidente à suivre, le jeune groupe s’éparpillant un peu dans plusieurs directions au grès de leurs influences et de leur envie de s’en approcher, il y a dans I Fell Apart une vraie cohérence mélodique mue par un talent d’écriture certain et une belle sincérité dans les intentions. L’album devient alors une succession de pop songs plutôt efficaces voire addictives avec cette capacité qu’elles ont d’entrer en tête facilement : ici un gimmick imparable (la batterie plus-17-Seconds-tu-meurs d’I Fell Apart), là une ligne de guitare qui se sifflote dès la première écoute (la chevauchée surf de Mustang) ou plus loin encore un refrain énorme inoubliable (l’interpolien Unfazed).
Bien entendu, il ne faut pas attendre d’un tel album ni une révolution stylistique, ni un summum de production. On sait depuis l’épopée des magnétophones 4-pistes à cassette Tascam dans les années 1990 qu’il y a tant à gagner en se focalisant plus sur les intentions que sur la production finale, forcément tributaire des moyens du bord. Du post punk à l’anti-folk en passant par la pop indé, la low-fidelity devenu même entre-temps le fumeux concept lo-fi quand il s’agissait de faire exprès de sonner comme des casseroles, a montré que s’attacher d’abord au propos indépendamment de la forme pouvait révéler de sacrées trouvailles. Cependant, les technologies numériques actuelles parviennent à combler les failles techniques et il est plutôt engageant de constater à quel point un tel duo parvient à créer avec ses moyens que l’on imagine limités une dynamique musicale vraiment intéressante qui sert complétement son propos. Loin du rachitisme parfois associé au genre, les chansons de Beach Vacation sont amples et aériennes ; elles sonnent !
Peu d’arrangements clinquants, le duo se concentre sur une simplicité d’orchestration dépouillée comme il se doit. Les batteries claquent, la basse toute en rondeur se fait discrète et elles laissent le champ libre aux guitares, souvent étincelantes et aux voix, chaudes et rassurantes. Si ce disque fait du bien, c’est aussi parce qu’il crée un cocon chaleureux et enveloppant. Dès l’entrée, Break The Ice donne le ton du disque : briser la glace pour se sentir immédiatement bien, comme à la maison, accueilli par un bon vieux Prefab Sprout sur la platine. Juste après, Our Night Is Falling, plus nerveux, presque noisy -gentiment noisy- est ce genre de morceau que l’on se plait à jouer à la fête du lycée, quand il s’agit pour les rockers en herbe d’épater les filles et de montrer qu’il n’y a pas que le quarterback et ses sbires pour attirer la lumière.
I Fell Apart ne récoltera probablement que très peu de suffrages dans les tops de fin d’année, si ce n’est chez une poignée d’inconditionnels qui, comme c’est toujours le cas, s’y retrouveront à la folie, tant dans le propos que dans l’ambiance musicale pour en faire un de leurs disques de chevet. Il est à prendre pour ce qu’il est : une jolie pastille estivale, une tranche de fruit frais pleine de vitamine et de bonnes vibrations. Un album qui n’heurtera aucune sensibilité en soirée, voire même fera esquisser quelques pas de danse et suscitera une saine curiosité. Un disque sur lequel on se retournera avec grand plaisir de temps en temps en ce disant que malgré tout, cet été 2021 ne fut pas si mal.