Encore un groupe qu’on avait pas vu venir et qui mérite sans doute mieux que ce qu’on a à en dire. Les Bigger sont nés de la rencontre de Damien Félix (Catfish) et de Kevin Twomey (chant, Mr Pink). Les Myosotis est leur premier album, qui suit la sortie de deux EPs ces dernières années. Le groupe, franco-irlandais, a aussi brillé aux Eurockéennes en 2019, ce qui lui a permis de se faire remarquer et d’amener un peu d’attention sur eux.
Les Myosotis sort aujourd’hui environné d’un soin à la production et dans la réalisation des vidéos qui honore cette musique bien écrite et charpentée, ambitieuse, baroque et enluminée. On est pas les plus à même pour apprécier cette belle pop luxuriante qui s’exprime dès une entame un brin pompière, Vampire Thirst, et se prolonge de façon rétro-sophistiquée dans l’impeccable Salty Tears. L’exécution est emballante, rythmée par des percussions au poil, et une volonté de faire rock qui en touchera plus d’un. La pop de Bigger fait un peu penser à la dispersion volontaire des Cannibale, mais n’a pas toujours le même impact, ni la même capacité à retomber sur ses pattes. Salty Tears présente un vrai potentiel tubesque et Infectious Joker moissonne assez directement entre l’orgue et la voix dans les mêmes terres que le groupe Ornais qui fait les beaux jours de Born Bad Records.
Il y a dans les compositions du groupe une belle amplitude et une capacité à varier les registres qui en impose. Les Myosotis déploie ses charmes sur plus de cinq minutes tandis qu’Even With Lies s’impose dans un registre plus théâtral et badin. Il y a un charme un brin désuet dans cette pop qui fait parfois penser à The Horrors et semble sur chaque note très consciente de ses effets et de ses références. Le jeu de guitare de Damien Félix est impeccable et permet aux morceaux de faire le grand écart entre pop, rock et blues (l’énergique Life). On prend beaucoup de plaisir à suivre le groupe dérouler un programme finalement un brin académique mais qui repose sur une telle application et un tel savoir-faire qu’on ne peut qu’être convaincu que c’est bien et bon. La production de Jim Spencer, vieux routier de Manchester qui a travaillé avec Liam Gallagher, Johnny Marr et les Charlatans, n’est pas étrangère à ce qu’on croit entendre.
The Game est peut-être le sommet du disque, ralenti et émouvant. Le chant est prodigieux et beau comme un morceau de brit-pop spirituel. On pense à Muse et à Coldplay en moins musculeux ou à nos amis de Surfer Blood. Bigger y a le cabotinage heureux, ce qui est mois évident sur l’agaçant Freaky Face. Heureusement, le groupe termine formidablement bien avec l’excellent Fucked Up Paradise, crâneur et aguichant, et le superbe Brother, moment de grâce qui vient conclure brillamment un premier essai plein de promesses.
Les Myosotis est un premier disque solide et qui porte fièrement les couleurs d’une belle proposition rock. Il y a better que Bigger mais il y a aussi beaucoup moins bon.
02. Salty Tears
03. Infectious Joker
04. Les Myosotis
05. Even With Lies
06. Life
07. The Game
08. Freaky Face
09. Fucked Up Paradise
10. Brother