De Liam Gallagher en solo, débarrassé des contestables Beady Eye, nous redoutions un disque crâneur et revanchard. Une compétition avec le frère faussement ennemi. La volonté d’affirmer haut et fort un droit au respect. Or, As You Were surexpose une facette assez inattendue venant d’une telle grande gueule : l’artisanat modeste, l’application studieuse, le soin de ne pas tuer les compos sous un déluge d’affirmations orchestrales. Inégal car bien trop long, cet album dévoile cependant un Liam… humble (un trait de caractère que nous ne pensions jamais pouvoir accoler un jour à la personnalité du Mancunien). Débarrassé des vocalises John Lydon, l’ex Oasis, particulièrement sur quelques ballades épurées, évoque un troubadour solitaire, un nomade au cœur à vif. Un songwriter romantique, oui. (Elliott Smith vient fureter dans les parages – ou disons plutôt : l’influence Lennon entraîne parfois Liam vers le chemin hier traversé par l’auteur de Between the Bars.)
As You Were est un disque qui se confronte, avec crainte et légitime nécessité, aux trois sommets Oasis : Live Forever, Wonderwall et Don’t Look Back in Anger. Mais dans sa modestie soudaine, dans son besoin de ne jamais frimer, Liam oublie que son frère Noel, au moment de composer ces derniers titres, voulait explicitement conquérir le monde. À trop chercher à fermer sa « big mouth », Gallagher ne permet pas à ses chansons les plus ambitieuses d’acquérir cette sensation d’universalité qui permettait à Live Forever d’outrepasser le simple cadre d’une structure pop. Comme si Liam stoppait, avec intelligence, ce moment fatidique où la royauté vire à l’emphatique. Parfois trop tôt : il suffirait d’un zeste de frime retrouvée pour porter au pinacle For What It’s Worth ou I’ve All I Need.
Difficile alliage, il faut en convenir, entre le repli et l’affirmation du moi, entre l’humilité adulte et le souvenir d’une jeunesse rebelle. Gallagher se pose la question, ce qui est déjà énorme, mais, paradoxalement, il donne à As You Were un caractère tellement réfléchi que l’instinct s’en retrouve brimé.
As You Were est donc un album assez inquiet, un disque qui doute. Inversement aux deux tentatives solos de Noel (avec les High Flying Birds), pétaradantes, biceps en avant, l’échappée soudaine de Liam enjolive fêlures et craintes. Il accepte, ou se sent obligé, de faire profil bas et de montrer ses faiblesses.
Un acte noble, touchant comme jamais chez Liam. Certes en forme d’esquisse pour, espérons-nous, une fructueuse carrière loin du fantôme Oasis et de ce grand frère dont Liam n’a dorénavant plus rien à craindre (et dont, physiquement, il ressemble de plus en plus, jusqu’à l’effacer, le remplacer). En fait, hypothèse : si As You Were avait été le troisième album d’Oasis, le groupe serait toujours en vie…
Liam Gallagher – Greedy Soul (Recorded At Air Studios)
02. Bold
03. Greedy Soul
04. Paper Crown
05. For What It’s Worth
06. When I’m In Need
07. You Better Run
08. I Get By
09. Chinatown
10. Come Back To Me
11. Universal Gleam
12. I’ve All I Need
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