Échappé de Frigo et de You, Vicious !, Max Balquier, pour son projet électronique solo sous le nom de code Brazzier, nous convie à un revigorant album d’anticipation. Car les Lignes Futures annoncées ne sont guère celles du déclin ou de la perdition humaine, mais d’une reconstruction vitaliste, d’un reboot de l’ancien monde. « Oublions les images et les sons / Notre histoire et nos noms » entendons-nous sur “Oublions, oublions”, quand, en ouverture, “L’instinct”, sur un mode hédoniste absolument galvanisant, jouait déjà sur cette idée de « suivre et se fuir ». Lignes futures est donc un album à la temporalité fuyante : pas question d’accabler l’époque actuelle à force de constats alarmistes, au contraire Max Balquier préfère-t-il actionner la touche « supprimer » pour mieux se projeter dans un demain (très proche) où, finalement, rien ne changera sinon l’acceptation de soi-même.
Car la principale force de cet album consiste à toujours s’arrimer aux inquiétudes communes, individuelles – et, le savons-nous, ce sont les disques français à la première personne du singulier qui parlent le mieux de l’universalité des choses. Sur ce point, “Je suis”, morceau qui pourrait servir de bande sonore au roman Consumés de David Cronenberg, est assez emblématique de l’identification qu’instaure l’album avec l’auditeur. Il y est simplement question, avec une économie lexicale qui laisse admiratif, d’une inéluctabilité effrayante : ne plus reconnaître son corps au fil du temps, autrement-dit se voir vieillir et mourir.
En guise de final, l’époustouflant “L’équation” (attention : chef-d’œuvre !) brouille les pistes : « On s’est tant aimé / On a finit par brûler / On s’est tant désiré / Consumé / Explosé / On est parti en fumée ». Échec d’une liaison amoureuse qui n’en finit pas de tourmenter le narrateur ou bien ligne de séparation entre le « moi » et le monde ? Toujours cette ambivalence salutaire entre le cadre intimiste et sa possible interprétation béhavioriste.
Musicalement, l’électronique de Max Balquier trouve une ligne d’osmose entre la voix sécurisante, chaude, douce, de son auteur, ses mots bienfaiteurs, et un rendu formel qui refuse de trop tendre vers une noirceur inappropriée. Pop (“L’instinct”), troublé (“Lune de sang”), clubbing (“Tambour battant”), dansant mais maussade (“Oublions, oublions”) ou déchirant (“L’équation”), Lignes futures est un album qui annonce de beaux lendemains. Une projection aussi nécessaire qu’admirable.