Les deux hommes/groupes ne sont pas vraiment de la même génération. Mais passées les quatre décennies d’existence, ce qui est vieux est vieux et il n’est pas certain que les jeunes d’aujourd’hui voient vraiment la différence, d’autant que Bryan Ferry n’a pas livré de nouveaux morceaux depuis dix ans, alors que les Primal Scream de Bobby Gillespie sont muets discographiquement depuis… huit ans.
Pas grand chose à l’échelle d’une vie, et pas beaucoup plus à l’échelle d’une carrière qui a démarré en 1982 pour les Écossais et en 1971 (formation de Roxy Music) pour Ferry. Coïncidence (les deux n’entretiennent à notre connaissance aucun rapport artistique direct), Primal Scream et Bryan Ferry viennent à quelques jours d’intervalle de faire leur retour musical. Le Britannique accompagne la sortie en octobre d’une très séduisante compilation intitulée Retrospective : Selected Recordings 1973-2023, laquelle a l’ambition de couvrir 50 ans de carrière en 81 titres venus d’une quinzaine d’albums solo. L’histoire du morceau qui émerge aujourd’hui, Star, est assez étrange puisque le morceau a été initialement développé par Trent Reznor et Atticus Ross, qui ont (pour une raison qu’on ignore) refilé l’ébauche à Bryan Ferry, lequel a finalisé le morceau en compagnie et pour la performeuse Amelia Barratt, de Glasgow (on y revient), qui est réputée au moins autant comme peintre que comme performeuse, lectrice et chanteuse. C’est d’ailleurs autour de la réalisation d’un livre audio de l’Écossaise que la collaboration s’est nouée et aurait accouché de « plusieurs morceaux » (on ne sait pas combien) dont celui-ci est le premier né. Le morceau s’impose comme une belle balade nocturne en zone urbaine, baigné dans des sonorités techno expérimentales qui ne sont pas si familières pour Bryan Ferry. Morceau surprise au sein de la rétrospective, Star est un single joliment avancé et novateur pour un Ferry qui fêtera son 79ème anniversaire le 26 septembre et dont on attend.
A côté de cette marche en avant, le nouveau Primal Scream en sonnerait presque conservateur. Album compliqué, dont les balbutiements remontent à deux ou trois ans maintenant, ce nouveau disque de Primal Scream, Come Ahead, s’appuie en grande partie sur des pièces conçues par Bobby Gillespie, en mode acoustique et en solo. Elles ont ensuite été enrichies par des échanges avec le guitariste Andrew Innes et le producteur David Holmes. Les premiers extraits, Love Insurrection (sorti en juillet) et Deep Dark Waters (en août) sont marqués par ce mode de production, titres plutôt simples et peu technologiques pour du Primal Scream, mais qui renvoient à la thématique générale du disque : un mélange d’expression de la violence, de la dualité en l’homme et d’espérance. Love Insurrection appartient à la veine funky du groupe dans un groove assez paresseux et sur un texte plutôt médiocre relevé par un dernier couplet très sympa en italien. Deep Dark Waters est plus sombre et rock, mais comme éteint de l’intérieur. On est pas fan du chant de Gillespie qui semble marmonner et manque d’éclat mais la guitare hispanisante est astucieuse et la seconde partie du single assez divertissante. On a vraiment l’impression de descendre en eaux profondes avec le groupe, tandis qu’on court/coule vers notre perte.
This ship is sailing
Into deep dark waters
All systems are failing
We go like cattle to the slaughter
To the slaughter…
Il faudra attendre les 9 autres morceaux du disque (qui en compte… 11, donc) pour savoir où Primal Scream souhaite nous emmener et surtout à quelle vitesse.