Probablement est-ce là le come-back le plus attendu de l’année, si ce n’est de la décennie. Il suffit d’ajouter un « s » dans un moteur de recherche pour passer du monde des cosmétiques marketé par Unilever à celui des fans du groupe anglais. Vous pourrez alors comprendre que, même si il est méconnu en France, Doves est l’un des grands groupes de pop-music en activité – de la trempe de Depeche Mode, The Cure ou New Order. Et sans les histoires de défonce nihiliste, les querelles fratricides ni les egos surdimensionnés qui font que Doves est un vrai « band », et non l’adjonction de compositeurs et de musiciens. Le trio remplit les stades depuis vingt ans – même si EMI / Virgin ne semble toujours pas motivé pour investir sur le groupe pour porter la bonne parole chez nous autres, pauvres mangeurs de grenouilles. Décidément, l’industrie du disque même à son crépuscule restera toujours aussi cynique. Paix à son âme. Pas sûr qu’on te regrette finalement.
Aussi, avant que le tout numérique triomphe définitivement, profitons-en encore pour mettre la main sur ce bel objet qu’il a fallu attendre pendant plus d’une décennie depuis la parution de Kingdom Of Rust (2009 – Heavenly). Entre temps, on le rappelle Jimi Goodwin a réalisé un album en solo quand Jez et Andy Williams en faisaient autant sous le nom de Black Rivers la même année (2014). C’était bien, cela nous a permis de patienter. N’en reste pas moins qu’à l’aune de The Universal Want, on mesure la différence entre un bon album et un chef d’œuvre. Tant pis pour les superlatifs : oui, il s’agit bien d’un chef d’œuvre. A la première écoute, on en est déjà convaincu. Après de très nombreuses autres, on en est certain et on peut le clamer.
Déjà, si l’album s’ouvre sur le single Carousels que nous avons déjà eu tout le temps d’user dans sa version jetée en pâture sur la toile, le trio est bien trop malin pour le sacrifier sur l’hôtel de l’efficacité. La version sur l’album s’orne d’une introduction qui pose l’ambiance et le remet en perspective. Car comme à chaque fois, Doves s’applique à construire une histoire, construire quelque chose, au-delà d’enfiler les chansons aussi efficaces soient-elles. Peu importe que le temps s’étire et que les chansons ne soient pas calibrées / formatées pour s’inscrire dans un plan marketing. C’est un luxe rare dont le groupe a su profiter.
Et aujourd’hui, en ayant pris le temps (euphémisme) pour peaufiner le moindre détail, ainsi que l’appui de Dan Austin pour parfaire la production, les trois hommes réalisent leur album le plus abouti, sans la moindre faiblesse, que ce soit les hymnes euphorisants ou les ballades mélancoliques – qui la plupart du temps ne font qu’un. Les arrangements sont parfaits, qu’ils se parent d’atours soul (une influence reconnue de longue date), de la limpidité de l’acoustique ou de touches électroniques, plus ou moins discrètes. Il y a du groove, du feeling, de l’émotion et une justesse de ton exceptionnelle pour des chansons qu’on peut siffler à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit après deux écoutes. Doves est capable de mettre en forme l’universalité, et c’est bien évidemment pour quoi le groupe transcende les chapelles et les classes sociales. S’il n’était né à la toute fin des années 90, mais au mitan de la précédente décennie, Doves serait aussi incontournable que U2 et Simple Minds, à la différence notable que le groupe de Manchester démontre avec maestria qu’il est toujours possible de galvaniser les foules et faire chialer les solitaires tout en évitant l’écueil de l’emphase. Peut-être fallait-il attendre 10 ans pour que tout le monde en soit convaincu.
The Universal Want en intégralité
02. I Will Not Hide
03. Broken Eyes
04. For Tomorrow
05. Cathedrals Of The Mind
06. Prisoners
07. Cycle Of Hurt
08. Mother Silverlake
09. Universal Want
10. Forest House