Expo 67 / Never Without You
[Fine Day Records]

8.8 Note de l'auteur
8.8

Expo 67 - Never Without YouSorti début juin sur le label Fine Day Records, ce premier EP du groupe Expo 67 est une vraie découverte et un plaisir de gourmets électro dont on ne se lasse pas après cinq ou six semaines d’écoute. Le nom du groupe qui cache la moitié canadienne du duo électro Plastic Operator, dont on pleure chaque jour la séparation de fait, vient bien entendu de l’exposition universelle de 1967 qui s’était tenue alors à Montréal. Comme on le voit dans d’autres œuvres (Jimmy Corrigan de Chris Ware étant la plus célèbre peut-être), il y a dans ces expositions universelles l’idée que le futur de l’homme s’y invente et que des destins (de jeunesse) se nouent. C’était le cas à Montréal en 1967 ou au travers des 90 pavillons de l’exposition, les créateurs ont brodé une tapisserie prenant pour thème Terre des Hommes, une notion précurseur inspirée de l’ouvrage d’Antoine de Saint-Exupéry. On ne sait pas si Gendreau y était en résidence ou s’il n’y a fait que passer mais c’est dans ce souvenir ou cette recréation qu’il a puisé son inspiration mélancolique.

La référence à l’expo de 67, qu’on retrouve dans un design magnifique, est juste et donne toute sa précision et sa sophistication poétique à la musique de Mathieu Gendreau. L’homme est aussi discret que son electronica est ambitieuse, légère et millimétrée. Le EP présente à peine 7 minutes de musique en quatre pièces. La plus longue s’appelle Montreal Lumière et n’atteint même pas les trois minutes. C’est en soi une originalité dans le domaine électronique que de faire si court, si précis et assuré. Le motif central du morceau est downtempo et répétitif. La boucle est tenue sans presque aucune variation ce qui donne le sentiment de plonger en boucle dans une mémoire hélicoïdale sans fin et dont on a perdu les codes et les clés. Le final s’impose comme un précipité d’émotion, n’offrant finalement aucune certitude quant à l’aboutissement de la démarche mémorielle. Se souvient-on réellement de quelque chose ou est-ce qu’on fait juste semblant ? Est-ce que des souvenirs sont recomposés ou est-ce que la musique d’Expo 67 ne fait que nous livrer des bribes chimiques, nous restituer des impressions, des battements de cœur venus de cette époque-là ? Never Without You est légèrement plus dynamique. C’est un tube à l’échelle d’Expo 67, un titre avenant et offensif presque que Gendreau ne prolonge pas au-delà des 100 secondes nécessaires à son « soulèvement » et à sa dissipation. Le EP est fabuleux car il s’énonce comme une émotion brutale, une vision fugace et passagère qui vient hanter notre pavillon (auditif celui-ci), rebondir dessus et puis s’évanouir.

En faire des tonnes sur quelques secondes de musique est probablement exagéré mais il faut écouter One Day On The Horizon pour s’apercevoir pleinement de la beauté des motifs alignés ici. Tout paraît très simple mais la justesse déborde de classicisme et d’un académisme flamboyant aussi bluffant qu’il est mathématique. Avec Expo 67, on saisit l’instant précis où le présent et le passé s’articulent, le moment où le souvenir détermine l’action, où le retour d’émotion commande au temps présent. On peut laisser la chose tourner en boucle et revenir au début, la reprendre et la redescendre pour prolonger le rêve, le parcours. Les sept minutes deviennent quatorze et puis vingt une et ainsi de suite. Never Without You agit comme un mirage, un truc qu’on voit distinctement mais qui n’existe pas. Les mondes virtuels ne sont que ça : pas des traits, pas des images, juste du temps monté en boucles. C’est ce que démontre Gendreau de la meilleure des manières.

Ce EP est un gouffre, un objet réellement passionnant et mystérieux, un disque anodin majeur qu’il ne faut pas rater.

Tracklist
01. Montreal Lumiere
02. Mount Royal Promises
03. Never Without You
04. One Day On The Horizon
Écouter Expo 67 - Never Without You

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