Si Prague, Bratislava, Liège, Rouen et quelques dizaines d’autres sont dites « villes aux cent clochers« , Londres est peut-être avec New York et Rome l’une des seules villes aux 1000 (10 000?) chansons. L’ancienne Londinium a été chantée depuis les origines, en son entier ou quartier par quartier par des dizaines d’artistes pop, avec plus ou moins de bonheur mais souvent en laissant un souvenir enchanté, le signe d’une présence, la trace d’une âme éternelle et qui, de ce côté-ci de la Manche, fascine et fait rêver. Gary Lover, pseudonyme fleuri et so English, de l’instrumentiste chantant Gareth Hoskins, livre aujourd’hui sa version dans un magnifique London, grésillant et qui rejoindra sans nul doute (le morceau le mériterait) la grande playlist de la capitale anglaise.
Le titre qui sort aujourd’hui chez Some Other Planet Records s’accompagne d’une vidéo montée par l’artiste lui-même et qui met en scène un collage nostalgique et inspiré de scènes de la vie de Londres venues du passé et du présent. Le résultat est graphiquement et musicalement très réussi et généreux. L’approche musicale de Gary Lover rend à la perfection le foisonnement brouillon d’un Londres que l’artiste dit avoir adoré puis détesté tout autant. Composé avant le Covid, le lockdown et toutes les joyeusetés du moment, London évoque par les bruits qu’il met en scène, par sa manière de mêler l’électro, la pop, la musique carabéenne et les influences folk, soulignées par le chant, une sorte d’effervescence qui agit à la fois comme un réservoir de surprises, de réjouissances, de richesses potentielles mais aussi comme un facteur de désillusion et désorientation. Le chanteur explique que le titre a été composé au sortir de quelques semaines/mois perturbantes où la ville lui est apparue trop rapide, trop en prise avec les forces qui agitent le monde social et politique, trop mouvante mais aussi comme ayant perdu le rythme des vies humaines, du temps éternel. C’est dans ce sens là sans doute qu’il faut lire ce « I miss the beat of London » qui irrigue le refrain. Lover y chante cabotin comme un crooner de country américain.
Lover est un Londonien d’originaire qui, établi à Peckham depuis quelques années, s’était fait remarquer il y a trois ou quatre ans au sein des Tangerines, l’un des jeunes groupes les plus prometteurs ayant émergé de la scène garage post Fat White Family. Formé alors avec un ami d’enfance, le groupe avait livré un premier album, Into The Flophouse, assez remarquable et qui assumait crânement une double filiation Rolling Stones/ Kinks. Les vignettes et chansons qu’il envoie depuis quelques mois en solo laissent entrevoir un univers décalé et de contrebande musicale qui fait penser au croisement moderne de l’univers bricolo d’un Beck, de l’enchantement juvénile des Moldy Peaches et de la subversion punk des Swell Maps. Avec ce pseudo conquérant et irrésistible, cette coupe de cheveux fougueuse à la Ray Davies, de Diana Check The Weather au London du jour, on espère que ce Gary Lover ne va pas se jeter dans la Tamise de sitôt.