Ian Brown / Ripples
[Black Koi / Virgin Records]

4.5 Note de l'auteur
4.5

Ian Brown - RipplesAvec un album tous les dix ans, on peut dire que Ian Brown économise son génie ou qu’il flatte sa paresse.  Le Roi Monkey n’avait pas reparu depuis 2016, l’année où ses Stone Roses avaient livré deux nouveaux morceaux, passés inaperçus pour un groupe de ce calibre. Ripples est son premier album solo depuis My Way en 2009, un disque inégal mais qui ne manquait pas de panache et de style.

Ripples, s’il était donc très attendu, ne devrait pas déclencher un raz de marée ou une révolution. Ce n’est pas pour autant un album à négliger. Il est de coutume lorsqu’on vieillit de ralentir le tempo et de densifier la production pour faire passer sa musique pour plus consistante qu’elle n’est et asseoir sa crédibilité. Ian Brown n’échappe pas à ces deux travers. Ripples souffre d’un rythme qui se traîne assez souvent (Breathe and Breathe Easy) et dissimule, dans un face à face avec le temps, l’inefficacité de certaines mélodies. First World Problems est une excellente illustration de ces travers. La chanson qui repose, pour le coup, sur deux premiers couplets et un refrain intelligents et convaincants est étirée plus que de raison pour atteindre péniblement les six minutes. Histoire de relancer une mécanique qui est épuisée après trois minutes trente, le thème est repris dans une version simplifiée (avec ce qui ressemble à un synthé ou à des instruments jouet) pour en ajouter deux de plus. Ce procédé de la reprise dégradée du motif musical revient à plusieurs reprises dans le disque, le plus souvent en cache-misère. On pourra taxer de paresse également (même si cela a pu faire partie un temps de la signature des Roses et de Brown) la facilité qui consiste à ramasser le texte d’une chanson sur une ou deux phrases et à les répéter 30 fois jusqu’à la fin. Cela passe si le groove est bon, voire s’il est irrésistible, mais cela fonctionne moins lorsque l’hypnose n’est pas au rendez-vous.

Ripples n’en reste pas moins, malgré ces réserves, un album (presque) aussi cool que son auteur. First World Problems est une belle chanson et Black Roses, le titre qui suit, l’un des plus costauds du disque. Brown brosse en deux minutes trente un titre rock exemplaire, puissant et précis, qu’il interprète à la perfection. Il retrouve son sens du groove légendaire sur The Dream and The Dreamer, titre psychédélique finalement plutôt sage et tendrement déconnecté des réalités. La musique s’y pose en baume pour l’âme et nouvelle drogue qui permet de se connecter aux éléments naturels. Le texte est plus que critiquable mais c’est dans ce registre vaguement allumé et lunaire qu’on aime aussi Brown. From Chaos To Harmony ressemble à une chute de studio de Noel Gallagher, composée un soir de grippe, mais est bien rattrapée par le charme d’It’s Raining Diamonds, un joli morceau sentimental (à l’imagerie tout de même assez ridicule), dont on retrouvera la puissance et les intentions plus loin sur le chouette Soul Satisfaction. « Green leaves, gold flowers, red sunset », répète Brown dans un mantra qui fonctionne plutôt bien pour décrire le transport dans lequel le met cette pluie de diamants. Le disque peine globalement à produire de l’agitation et de la vie.

Le Mancunien s’ébroue avec la manière sur un Ripples qui est l’une des chansons les plus intéressantes du disque. La production est d’une richesse surprenante. Le groove s’articule avec des motifs de guitare exotiques et des zébrures au synthé qui confèrent une vraie originalité au morceau. Le chant suggère l’échappée de la conscience dans un espace mental quasi sidéral assez fascinant. La mélodie vocale n’est pas sans rappeler celle de Love Spreads, l’un des plus fameux morceaux du retour des Roses. Le dernier tiers du disque n’est pas sans attraits. Blue Sky Day fonctionne plutôt bien dans son tête à tête intime et dépouillé entre le chanteur et… le ciel bleu. Il y a du panthéisme dans cette affaire là et une volonté marquée de ne plus toucher terre. Ripples est un album qui, à l’exception de First World Problems (chanson sociale), évolue comme en apesanteur. Il le fait plutôt moins bien que le dernier Spiritualized dans un registre finalement assez similaire mais offre une quiétude et une sensation d’apaisement dans le détachement du monde qui sont tout de même très réconfortants.

Brown conclut, sans doute avec cette intention, par un morceau ouvertement reggae, Break Down The Walls (Warm Up Jam), qui va un peu trop loin pour nous dans la décontraction et l’invocation de Jah. Etait-ce bien nécessaire d’en arriver là après un tel parcours? Reggae is vile, comme disait Morrissey. C’était exagéré sûrement mais on n’a pas payé pour ça.

Ripples ne restera pas dans les annales. Il y a bien une poignée de morceaux à retenir ici, un sentiment toujours agréable de renouer avec un ami qui n’a pas mal vieilli, mais c’est bien trop peu pour qu’on s’en souvienne durablement et qu’on y revienne passé le temps de la découverte. Le style sans l’énergie ne pèse pas grand-chose face à l’appel de la nouveauté. Peut mieux faire.

Tracklist
01. First World Problems
02. Black Roses
03. Breathe and Breathe Easy (The Everness of Now)
04. The Dream and The Dreamer
05. From Chaos to Harmony
06. It’s Raining Diamonds
07. Ripples
08. Blue Sky Day
09. Soul Satisfaction
10. Break Down The Walls (Warm Up Jam)
Ecouter Ian Brown - Ripples

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