Il en va de la musique comme de la cuisine : on connait les recettes, reste à voir ce que l’on en fait. Prenons, tenez, une choucroute : on peut très bien se contenter d’une merde en boite ou si on en a les moyens aller tester une version moléculaire dans un grand restaurant moderne ; le résultat ne sera pas garanti mais au moins, on aura essayé. Et puis il reste l’option des petits producteurs et artisans du coin chez lesquels on va aller se fournir pour la préparer selon la recette ancestrale de mamie et se faire une super bouffe entre gens de bonne compagnie. Voilà clairement le crédo de Guisberg, trio strasbourgeois qui sort ces jours-ci avec un peu de retard son 3ème album dans le cadre du Club Herzfeld 2019 (6 albums CD et 4 ep numériques pour la modique somme de 50€, c’est donné et encore disponible sur le site du label).
Et s’il est si audacieusement question de choucroute pour évoquer un groupe strasbourgeois, c’est que Guisberg, les clichés, ils n’en ont que faire. A commencer par eux-mêmes. Une formule trio des plus classiques, des musiciens identifiés par leurs surnoms (Jay, Father M., Renz), un batteur aux cheveux d’airain, longs et bouclés, un bassiste corpulent à la mine patibulaire garnie de rouflaquettes, un guitariste-chanteur sosie alsacien de Doug Martsch : pas la peine d’aller très loin pour comprendre qu’il va être ici question de rock. De rock américain même. Le meilleur qu’il soit. Guisberg puise ses influences dans ce vaste répertoire où chacun et chacune possède au moins une petite marotte (ou évidemment plusieurs le cas échéant) pour bâtir un album domestique : dès les premières notes, en quelques secondes, on est à la maison et on comprend que cet album dont on n’attendait pas forcément grand-chose, s’il ne regorge pas de surprises, en est en fait une à lui tout seul.
Sans jamais perdre de vue, comme il se doit, l’aspect mélodique (sauf peut-être lors de l’interminable fin du dernier morceau toute en larsens et feedback), les guitares sont tranchantes, la basse ronde et lourde, la batterie carrée, trahissant par moment d’autres influences à rapprocher du blues ou du heavy metal. Mais le plus souvent, les structures sont empreintes d’un aspect plus moderne avec des montées et des ruptures héritées du math rock qui donnent au disque un bel aspect vallonné digne des montagnes vosgiennes. Et si la généreuse voix principale, celle de Renz, est marquée d’un timbre unique capable de s’accommoder des atmosphères plus pop des deux superbes albums du Herzfeld Orchestra, ses compères eux n’hésitent pas à pousser régulièrement vers plus de sauvagerie pour certifier encore un peu plus l’atmosphère électrique du disque alors que de temps en temps, un discret clavier vient alléger un peu l’ambiance.
La formule, éprouvée à 1000 reprises fonctionne une fois de plus sur The Legacy même si de façon sans doute un peu trop évidente, la tendance est grande de convoquer à chaque morceaux ses principales influences (Built To Spill souvent, Bedhead, Karate, Pavement, Sonic Youth, Weezer, Television… on continue ?). Cependant, cette impression s’estompe au bout de quelques écoutes pour ne garder que l’essentiel de ce que ce disque a à offrir : cette belle énergie contagieuse que le rock exhale depuis toujours et pour encore un sacré moment. N’en déplaise aux puristes, la mort du rock attendra encore un peu.
02. The No Song
03. Chicken And Bees
04. Under The Palms
05. The Monkey Bridge
06. Scampi
07. Peels – Crossroads, Part One
08. The Threshold – Crossroads, Part Two, Chapter One
09. Every Little Part – Crossroads, Part Two, Chapter Two
10. The Flying Steers – Crossroads, Part Two, Chapter Three
11. Way Of The Ape – Crossroads, Part Three
12. Close Up