Liam Gallagher / Why Me? Why Not?
[Warner Records]

5.9 Note de l'auteur
5.9

Liam Gallagher - Why Me? Why Not? L’idée que Liam Gallagher soit un jour mis sous cloche pour que défilent devant lui, comme au musée, des amateurs d’indie rock nostalgiques et infiniment respectueux de ses talents d’interprète et de compositeur nous aurait révulsé il y a une vingtaine d’années. C’est pourtant ce à quoi nous assistons avec ce deuxième album solo, Why Me? Why Not?, disque muséal où l’ancien chanteur de Beady Eye et Oasis (bien sûr), prolonge sa trajectoire institutionnelle dans un registre académique à la fois solide, assez admirable mais profondément sans surprise (et en cela dans le prolongement de son premier essai, As You Were). Why Me? Why Not? dont on ne perçoit pas tout à fait bien la justification du titre (la carrière des frères Gallagher ne relevant pas plus du hasard qu’autre chose) est une collection de chansons qui ravira les amateurs rangés des guitares turbulentes, des improvisations stupéfiantes et des approximations magnifiques de l’ancien chanteur aux gros sourcils le plus célèbre de la planète.

Ce deuxième album est affreusement bien produit, chanté avec le plus grand sérieux, doté d’un gros son FM et de juste ce qu’il faut de références beatlesiennes pour s’apparenter à un disque exemplaire, mais peine à retrouver la hargne et cet esprit de défiance qui caractérisaient jadis le jeune Mancunien. Pas qu’on s’ennuie tout le temps ou qu’on ne vibre jamais : c’est juste que Liam Gallagher devient ici l’adulte qu’on aurait aimé qu’il ne devienne jamais. Why Me? Why Not? est souvent beau et nostalgique dans ses meilleurs moments, des balades chantées avec le briquet en l’air et le sexe rikiki, comme le splendide et larmoyant Once, ou encore le magnifique Meadow qu’on croirait tombé des archives de George Harrison. Gallagher fait le boulot et l’album a ses bons moments. Now That I’ve Found You est un tube en puissance, irrésistible mais un peu trop long, aux motifs incontestables mais qui est tout de même une chanson où le père Gallagher dit tout l’amour qu’il a pour… sa fille. C’est doux, c’est tendre, lavé à la britpop. Bon sang. Est-ce qu’on a payé pour ça ? Nous qui étions si fiers et si dépravés ? Alright Now sent bon le rock psychédélique réchauffé sous vide mais peut faire illusion si on n’a pas écouté de bons morceaux des années 70 depuis…  les années 70. Autant se farcir l’intégrale de King Gizzard and the Lizard Wizard plutôt que ce surimi là. Be Still parle cette fois de la mère Gallagher et on a fait le tour du propriétaire. Le chat était sans doute en vadrouille. Gallagher est un homme mûr qui fait du rock mature pour personnes d’un certain âge. Chacun sa came après tout. Il exprime ses doutes, ses (bons) sentiments d’une manière qui, faute de profondeur dans l’expression, paraît finalement bien impersonnelle.

On peut aimer les cordes ronflantes de One Of Us, même si Brett Anderson faisait mieux en son temps, et trouver vraiment puissante The River qui reste l’un des meilleurs moments du disque. Reste bien sûr derrière tout cela, la voix de l’homme qui a vu l’homme qui a rempli des stades. L’organe est intact derrière une production qui tend à banaliser la chose. Il y a chez Gallagher une capacité à entamer le mot suivant alors que sa voix n’a pas fini de chanter les deux précédents qui reste phénoménale et continue de représenter l’une des choses les plus fascinantes du rock indé de ces trente dernières années. Gone ou Halo en sont de beaux exemples : chansons sans qualités mais dont tout l’intérêt repose sur l’interprétation, fainéante mais, pour cette raison, sublime. C’est dans ce qu’il reste à voir et à entendre de cet organe contestataire qu’il faut chercher les traces résiduelles d’une superbe enfouie sous les codes d’écriture et le professionnalisme. Gallagher ose peu. Est-ce faute de moyens, d’envie ou finalement de choses à dire ? La question reste posée et il n’est pas certain qu’une réunion avec son frère nous apporterait la réponse. Liam Gallagher n’en fait plus assez pour être mémorable.

On aurait aimé que Gallagher crache en chantant comme il le faisait avant, les mains derrière le dos;  qu’il chante le Bottin sur une musique offensante ou offensive, plutôt que d’installer tranquille sa tente Quechua au fond de son jardin. On aurait aimé qu’il se balade à poil avec son K-way bleu de chanteur roulé en boule, plutôt que de s’inscrire à un voyage en Grèce organisé par Thomas Cook.

Why Me ? Why Not ? reste malgré tout un bon placement. Il rapportera peu mais il est peu probable qu’il se casse la gueule dans les six mois qui viennent. Investir dans Liam Gallagher, c’est comme mettre son pognon dans la pierre. C’est pas excitant pour deux sous, mais on sait qu’on s’y retrouvera. Gallagher est devenu malgré lui une valeur sûre, une valeur refuge « jamais surpris, jamais déçu ». On peut s’en contenter.

Tracklist
01. Shockwave
02. One Of Us
03. Once
04. Now That I’ve Found You
05. Halo
06. Why Me? Why Not
07. Be Still
08. Alright Now
09. Meadow
10. The River
11. Gone
Ecouter Liam Gallagher - Why Me? Why Not?

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