On peut sans trop exagérer parler d’un phénomène Gwendoline. Porté par l’étonnant Après C’est Gobelet, un album sans cesse réédité depuis sa sortie en catimini au sortir du premier confinement de 2020 sur Dead Wax Records, un obscur label new wave espagnol, le duo n’a depuis cessé de monter en puissance dans les milieux underground, écumant les festivals du pays pour finir par le très peu confidentiel Rock En Seine à l’été dernier. Rarement sans doute le terme de post-punk avait aussi bien trouvé ses représentants. Alors que le genre musical est souvent associé à des représentations assez froides et peu riantes de la musique, looks et attitudes compris, le duo s’applique ce qu’il chante ou chante ce qu’il vit, une existence pas toujours bien rigolote mais où on se fend quand même bien la gueule, faite de temps à faire passer, de congénères surtout cons et de perspectives d’avenir aussi lointaines que la supérette du coin où l’on se ravitaille en cannettes tièdes.
Pierre l’extraverti et Micka le discret, déjà planqué derrière le projet Tropique Noir auteur d’un superbe premier album, Mirage, sur Music From The Masses en 2019, ne ménagent pas leurs efforts pour faire de ce rien quotidien une source inépuisable qui nourrit des textes tour à tour ou à la fois, drôles, cyniques, éthyliques, vengeurs, crus, vulgaires, nihilistes ou auto-dérisoires, posés, scandés à deux sur une pop noire complément enivrante et addictive qui fait se lever les foules de gens qui leur ressemblent. On les croit volontiers quand ils disent que, bien évidemment, rien de tout cela, ce succès de losers qui les fait royalement passer du RSA à l’intermittence n’était prémédité. Après C’est Gobelet est juste arrivé au bon moment, celui où il fallait tout foutre en l’air et se défouler sur de véritables hymnes générationnels que sont Audi RTT ou le Chevalier Ricard.
L’affaire bien lancée, Gwendoline après un one shot clin d’œil sorti le 14 février dernier, ce Saint-Valentin plein de morgue, de moquette et de miel cristallisé, publie ces dernières semaines un nouvel EP, Sans Contact. Trois nouveaux titres qui ressemblent fort aux signes avant-coureurs de la mise en route d’un nouvel album qui s’enregistrera probablement comme le premier, à l’arrache. Start-Up Nationale et Loin De Moi, faux jumeaux mais vraies réussites voient le duo évoluer sensiblement vers un peu moins de fête mais balancer toujours ostensiblement des pains à travers la tête de tous ceux qui ne leur reviennent pas. Ni moraliste ni dénonciateur, volontiers tête-à-claque, Gwendoline se contente de pointer les travers de ses contemporains, petits camarades générationnels biberonnés au culte de la réussite et du fric qui justifie à peu près tous les moyens ; méchant et gratuit, mais tellement vrai. (Encore) plus noir, avec ses faux airs de B.O. de polar des années 80, 1 New 2 Pc rappelle que chez Gwendoline, les premiers à en prendre pour leur grade, ce sont eux-mêmes.
La fin du monde de merde, con et absurde n’étant visiblement pas programmé pour demain, nul doute que l’inépuisable matière dont se nourrit Gwendoline devrait leur permettre d’écrire encore un bon paquet de ces titres-miroirs parfaits pour danser frénétiquement. Si possible pas au bout d’une corde non plus.
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