Si on a gardé l’image d’un Gwendoline festif, c’est surtout parce que le duo portait sur son premier album Après C’est Gobelet son spleen je-m-en-foutiste, quasiment nihiliste sur fond de post-punk vitaminé alcoolisé et entêtant, taillé pour les festivals éthyliques où il rencontrerait son public, jeune pour beaucoup, partageant les mêmes non-aspirations face à un monde se barrant en sucette et dans lequel ils ne tiennent pas plus que ça à trouver leur place ; à 2-3 contradictions près. Le succès, car c’en fut un et pas seulement d’estime mais une vraie rencontre avec un public nombreux les a rapproché de l’exigeant et passionnant label parisien Born Bad Records qui sortira le 1er mars prochain C’est à moi ça, leur second album. Et le moins que l’on puisse dire à l’écoute de Conspire, le premier extrait qui en sort cette semaine, c’est qu’on est bien parti pour se fendre la gueule, mais cette fois sans doute plus au sens littéral.
Loin des refrains tubesques et entêtants du Chevalier Ricard ou de Audi RTT, le morceau est une longue et lente litanie sombre et non exhaustive de tout ce que le monde génial d’aujourd’hui nous apporte de merveilleux. Le regard que porte sur lui le duo breton composé de Mickaël Olivette (Tropique Noir, entre autre) et Pierre Barrett est toujours dans un style direct, sans concession, le rendant sans doute un brin naïf aussi dans son expression, mais toujours plein d’ironie et de hargne. Jamais ils ne cherchent à imposer une thèse mais juste une vision, la leur sur l’époque dans laquelle ils vivent, renvoyant dos à dos les puissants avides de toujours plus de pouvoir et les petits avides de toujours plus de biens. Expansion territoriale vs. croissance économique, oui à la démocratie mais surtout si on est bien en sécurité, pas contre lutter contre le changement climatique mais en assouvissant d’abord ses besoins secondaires.
Longtemps pas effrayé par ses propres contradictions, le duo assume aujourd’hui un peu plus par une économie de moyens. Conspire est en l’espèce sacrément minimaliste, faisant la part belle aux voix, sacrifiant tout refrain à reprendre en chœur par un simple slogan qui le sera tout autant (Car ce monde est génial), optant pour de rares synthés qui finissent néanmoins par modeler une jolie ligne mélodique, quelques notes de guitares plus cold que jamais et une batterie martiale qui emporte petit à petit la troupe vers le champs de bataille où elle sera transformée en chair à canon. Sans aucune allégorie moderne d’ailleurs, les récents évènements mondiaux rappelant tous les jours que le « plus jamais ça » a fait son temps.
La vidéo de l’incontournable (à Rennes du moins) Alois Lecerf fait défiler dans son habituel noir & blanc sobrement contrasté et tout à fait opportun quelques images familières de nos héros préférés (Kim, Donald, Patrick…) et cent autres, toutes plus symptomatiques les unes que les autres de l’état de ce monde décidément génial. Les ficelles sont grosses mais collent parfaitement au propos : avec Gwendoline, l’heure n’est pas à la licence poétique mais bien à un discours direct et intelligible. Vous reprendrez bien un nouvel écran plat ?
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