Le compositeur John Williams a peut-être réussi, au final, ce que le réalisateur J. J. Abrams cherchait à réaliser à travers son film : conclure avec fidélité mais avec un brin de caractère une histoire écartelée entre la volonté de « faire du neuf » et celle de respecter scrupuleusement les traditions. Avec le recul, il n’est même pas certain que l’univers Star Wars ait jamais mérité qu’on en fasse une telle histoire. Les Rey, Finn et autres Kylo Ren ne valent guère mieux que les Luke, Han et Leia qui les ont précédés, lesquels avaient pour eux la grâce de la nouveauté et le fait d’appartenir à un temps de l’innocence, disparu depuis bien longtemps. Que restera-t-il de cette troisième saga dans la saga ? On se le demande, même si le « produit » reste bien fichu et suffisamment distrayant pour qu’on fasse (comme souvent dans la nouvelle industrie du cinéma) semblant d’y croire.
Toujours est-il que la BO est peut-être est-ce qu’il y a de mieux à prendre dans ce The Rise of Skywalker. John Williams a écrit et composé les neufs films de la saga et sans doute a-t-il, avant celui-ci, déjà envisagé au moins une ou deux BOs comme conclusives. Pour la der des ders des ders, le bonhomme s’est surpassé livrant une pièce pour orchestre remarquable à bien des égards. Cela démarre formidablement avec un Fanfare et Prologue iconique (c’est une relecture du thème le plus célèbre de la saga, agile et offensive), immédiatement assombri sur sa seconde partie par l’irruption d’une matière sombre menaçante et saisissante. The Rise of Skywalker, la BO, est marquée tout du long par une noirceur vivifiante associée au personnage de Kylo Ren, dans une dimension épique, et à celle de l’Empereur dont le thème magnifique resurgit ici dans une version surprenante et assez terrifiante. Journey To Exegol est impeccable mais est surpassé par les quatre minutes et quelques du sublime The Rise of Skywalker. Il y a tout dans ce morceau, de l’amplitude, du lyrisme, une élégance viennoise mariée à des arrangements subtils et délicats. Williams est un maître et il le montre en intervenant avec brio dans des registres aussi différents que celui de l’action (dominant ici) ou de la romance. Il y a bien quelques tics de composition qui habitent les morceaux de transition (The Old Death Star) mais cela ne pèse pas bien lourd quand est venu le temps de la grande cavalcade. The Speeder Chase ressemble à du bon Copland, racé et fougueux. L’ADN de la nouvelle saga est nichée au cœur de ce type de morceau : c’est vif, c’est aventureux et c’est mélodique à souhait. Voilà ce qu’on vient chercher : la bravitude rigolarde d’Han Solo dans les premiers épisodes, rejouée avec un visage poupin, des trompettes et un poil d’érotisme hollywoodien. Tout cela est parfaitement rendu par la musique. Anthem of Evil est magnifique avec ses chœurs et ses percussions savamment distillées. Que dire de The Final Saber Duel ou de Battle The Resistance qui sont tels qu’on aurait souhaité qu’ils sonnent. Les thèmes des personnages servent souvent de points d’appui à des développements passionnants qui illustrent à quel point Williams vit par et à travers ce matériau. Sur The Force Is With You, l’utilisation du chœur est précise et délicate, tandis qu’elle est plus puissante et militaire quant il s’agit de décrire la Résistance.
Le final s’amorce avec le très beau Farewell, noué autour du thème de Rey, avant d’aller chercher la concorde sur un Reunion, paisible et fédérateur. La BO a ici une légèreté et une justesse que les images n’égaleront jamais. Là où le film semble sortir les gros sabots et paie un fort travail scénaristique, Williams se joue de tout cela pour produire ses plages les plus élégantes, naturelles et aériennes. La pièce intitulée Finale est à elle seule une parfaite synthèse de l’ensemble, virtuose et qui réincorpore, dans un mouvement passionnant, les thèmes les plus forts de la saga. Entre le thème de Poe et celui de Rey, les développements apportés au motif de Kylo Ren, la nouvelle saga aura su enrichir un cycle déjà fourni en hymnes signatures et maintenir un très haut standard de production.
On peut en avoir marre de la saga entière mais on aurait clairement tort de négliger ses BOs qui ont à elles seules le pouvoir d’entretenir la magie et la flamme des débuts. Au point où on en est, on verrait bien Williams (87 ans tout de même) continuer sans ce rabat-joie de J. J. Abrams.
02. Journey To Exegol
03. The Rise of Skywalker
04. The Old Death Star
05. The Speeder Chase
06. Destiny of A Jedi
07. Anthem of Evil
08. Fleeing from Kijimi
09. We Go Together
10. Join Me
11. They Will Come
12. The Final Saber Duel
13. Battle of Resistance
14. Approaching the Throne
15. The Force Is With You
16. Farewell
17. Reunion
18. A New Home
19. Finale