Katy Perry n’est plus une teenage girl depuis longtemps. Sauf que : pas encore prête pour la grande libération, trop dépendante des charts, la chanteuse jouait sur une fausse schizophrénie. D’un côté, des titres niais, dégoulinants de servitude fillette (pour rassurer, et convaincre, les derniers émois adolescents de son fan-club). De l’autre, une faculté à l’autoparodie, une nécessité à briser cette image d’idole générationnelle – d’où des hits drolatiques, pas dupes. La Perry, inversement à Britney Spears avec l’album Blackout, semblait néanmoins retarder ce moment où, pas le choix : finir vieille fille ou bien se jeter dans l’eau bouillante ? Devenir boursière d’un schéma trop assimilé ou bien en découdre avec ses propres envies ? Une remise en question qui, généralement pour les chanteuses pop à succès, signifie le quitte ou double : le public suit, et intervient alors la crédibilité d’une Madonna (hypothèse haute) ; les adultes rejettent et l’artiste se rase le crâne (hypothèse basse).
Les premiers singles de l’album Witness dévoilaient une Katy Perry en roue libre, décevante comme rarement. Chained to the Rhythmed et Bon Appetit sentaient la fin de parcours, ce moment où la dérision devient mécanique, trop voyante, à la limite du calcul stratégique – or, on aimait hier le regard malicieux, souvent cruel, que la Perry posait sur elle-même. Impasse définitive ? Amorce d’un devenir has been ? Non, heureusement…
Massacré par la presse américaine, Witness est un bon disque de transition. Katy Perry évince le niais comme les clins d’œil complices, et s’aventure dans une électro-pop totalement vintage mais sérieuse, concernée, à enjeux. L’éternelle schizophrénie perryenne n’a plus lieu d’être. Il faut maintenant assumer l’ambition, voire même la cohérence d’un album (chose qui, jusqu’alors, manquait cruellement à Katheryn Hudson).
Witness est un disque qui, sur la forme, trifouille dans les productions Vince Clarke, Dave Stewart et Stephen Hague. On peut reprocher à Katy Perry de puiser dans les vieux pots, mais avouons que la production détient une certaine classe, que les petits plats sont mis dans les grands. Moins FM, moins teen, pas encore trentenaire : facile de se laisser prendre par la plupart des chansons (souvent Pet Shop Boys époque Please), en sachant bien qu’il y a maldonne…
Trop long (quinze titres !), excessivement appuyé dans ses textes, encore un peu criard niveau vocal, Witness est un petit premier pas vers l’adulte assumé. D’où l’injustice du retour de bâton : Katy Perry cherche la transition légère, la nécessité de chanter sur elle-même (sans camouflage, détruisant l’idyllique repère identificatoire entretenu avec un jeune public). Comme Britney hier (en moins fort – on attend encore le Toxic de Katy Perry), une star détruit la monotonie qui commençait à poindre. Le résultat est très inégal (quand donc les « vedettes » comprendront-elles que huit titres, c’est largement suffisant ?) mais défendable.
Il faut dire que Katy Perry détient depuis toujours un avantage sur ses concurrentes NRJ : outre son amusement à se foutre d’elle-même, un refus de chercher une quelconque crédibilité folk (du genre Miley Cirus) ou de jouer la carte hyper sexuée (du genre… Miley Cirus). Il restera toujours une part de virginité chez Katy (quoi qu’elle en dise), ce qui l’oblige à œuvrer dans des revendications sans doute plus fragiles (même si maladroites) et à ne pas oublier que son objectif consiste à ne jamais trahir sa propre personnalité. De gré ou de force.
02. Hey Hey Hey
03. Roulette
04. Swish Swish (featuring Nicki Minaj)
05. Déjà Vu
06. Power
07. Mind Maze
08. Miss You More
09. Chained to the Rhythm (featuring Skip Marley)
10. Tsunami
11. Bon Appétit (featuring Migos)
12. Bigger Than Me
13. Save as Draft
14. Pendulum
15. Into Me You See