Cela fait un peu (trop) longtemps qu’on a cessé de rendre compte des sorties de King Gizzard & The Lizard Wizard. Les vrais savent et les autres n’y comprendraient rien, tant la productivité du groupe australien défie l’entendement. Il nous faudrait presque un correspondant dédié pour évoquer chacun des disques sortis ces dernières années par un combo qui a, par exemple, publié pas moins de 5 albums en 2022. Depuis qu’ils ont monté leur propre label, l’affaire a pris des proportions invraisemblables et il se passe rarement un trimestre sans qu’on ait droit à un nouvel ensemble de titres.
L’équipe de Stu MacKenzie évolue dans un univers alternatif où aucune contrainte ne résiste bien longtemps. En formule à 6 ou plus, les musiciens s’enferment en studio, souvent sans avoir travaillé quoi que ce soit, pour dérouler des séquences d’enregistrement « à thème » visant à explorer les différents modes… d’une gamme, ou à jouer de telle ou telle manière, en changeant de configuration le jour suivant. Ces « journées à thème » ou expérimentations conduisent à enregistrer énormément de musique et à disposer en permanence d’un matériel en quantité. MacKenzie dispose d’une liste de titres de chansons possibles qu’il a enregistrée dans son téléphone et qui lui sert à baptiser leurs nouvelles créations, quand elle ne les inspire pas directement.
Le groupe évolue toujours quelque part entre le rock pop fleuri, le psychédélisme et une forme de rétro-punk, classification bien utile pour dire qu’on ne sait pas toujours ce qu’ils font, ni comment ils sonnent. Astroturf, le nouveau morceau clipé en amont d’une tournée international qui passera par Paris en mars (le 2 au Zénith), est tiré d’un album baptisé Changes (sorti en octobre 2022 mais composé bien avant) qui présente les Australiens dans une configuration un peu différente et plus proche de la soul ou du RnB que d’ordinaire. C’est un disque plaisant, accessible et plutôt moins sonique que ce que propose le groupe.
Il est probable qu’une fois sur scène, les King Gizzard auront choisi de se transformer en tout autre chose que ce qu’ils présentaient hier sur un Hate Dancin follement disco et 70s, mais on peut être certains que ce sera fait avec enthousiasme, talent et un total esprit d’irresponsabilité. Le groupe rappelle un peu par sa capacité à se réinventer les métamorphoses les plus réussies du Beck des années 90. Ce n’est pas un petit compliment.