On ne savait pas à quoi s’attendre en posant nos questions au mystérieux duo, auteur avec Good Songs for Bad People, de l’un des meilleurs albums de cette demi-année. Hypnotique et vénéneuse, sensuelle et envoûtante, la musique d’Asia et Chris, artistes habités au pedigree aussi trouble que leur passé commun, inventait un territoire aussi inédit qu’hanté par les fantômes de l’Amérique et des musiques qu’on aime. A la fois jazz, trip-hop, électro et rock, Drab City est non seulement un groupe excitant mais un groupe avec un secret plus gros que lui et qu’on espérait révéler au monde.
On s’était planté. Au fil des questions, l’énigme s’est épaissie au lieu d’être résolue. Asia nous a rhabillé pour l’été et Chris a tenté d’expliquer l’inexplicable. Drab City se tient à la croisée d’un film de Lynch et d’une excursion en camping-car au cœur de la zone 51. Autant dire à un endroit où on n’ira jamais. On peut s’y balader pendant des années sans rien y comprendre mais en étant impressionné par la manière dont les habitants, sans avoir l’air d’y toucher, donnent le sentiment de dissimuler quelque chose. Drab City est un sacré mystère. Un mystère si gros qu’il pourrait changer la donne à jamais, nous aveugler et nous en mettre plein les oreilles. Il est possible que le groupe ne fasse jamais aussi bien qu’aujourd’hui mais possible aussi qu’ils fassent un miracle demain. Quoi qu’il en soit, ils sont à l’aube d’un truc, déterminés et passionnés. Un truc humain et vachement beau. Misérable et parfait pour l’été.
Est-ce que vous pouvez revenir sur le merveilleux mystère de vos origines ? On vous présente de 1001 manières : Français, Américain, chanteuse Bosniaque de Berlin. J’ai lu et entendu des tas de choses sur la manière dont vous vous êtes rencontrés.
Asia : Le plus marrant, c’est que tout est vrai ou presque… enfin pas réellement mais tout de même…
Chris : Lorsqu’on explique un merveilleux mystère, cela devient une série de faits obscurs et sans relief…
Est-ce important pour vous de conserver un certain mystère autour de cela ? Surtout dans une époque où tout le monde connaît tout sur tout le monde ?
Chris : Je ne pense pas que tout le monde connaisse tout sur tout le monde. On connaît tous les détails ennuyeux. Où les gens habitent. Leur année de naissance. On peut même regarder sur Internet l’estimation financière de la maison où les gens habitent. Mais en réalité, on connaît très peu de choses vraiment intéressantes sur les gens qu’on côtoie pourtant tous les jours. Est-ce que ton père était gentil ? Pourquoi est-ce que tu fais toujours les mêmes erreurs, encore et encore ? Qu’est-ce qui t’as vraiment attiré chez la première personne dont tu es tombée amoureuse ? Est-ce que tu es toujours autant excité par les trucs qui t’emballaient quand tu étais jeune ou est-ce que tu es devenu désormais dur et indifférent ?
Christopher, on sait que tu viens de la région de San Francisco et que tu faisais partie de ce qu’on a appelé « le witch house mouvement ». Ton univers est assez cosmopolite. Tu as travaillé sur Nihjgt Feelings avec un label turc et aussi sur Emotion Records qui est une maison suédoise. De petites productions, de la musique cousue main pour un public compté. Est-ce que tu te considères comme un type de l’underground ? Et est-ce qu’à cette aune Drab City n’est pas un groupe plus attirant, plus mainstream. Pas si drab… que ça en fait.
Chris : J’ai toujours essayé de faire la musique qui me plait, qui m’excite et qui excite, du moins c’était mon espoir, les autres personnes. Quand j’étais gosse, je voyais le monde des adultes comme quelque chose de difficile, de douloureux et sans joie. La plupart des adultes autour de moi me semblaient accablés, fatigués et ne faire qu’essayer de tenir pour aller au jour d’après, en manifestant très peu d’espoir dans une amélioration future. Mais la musique, c’était autre chose. Ca faisait vibrer. C’était plein de vie et de passion. C’était la première chose que j’ai vue qui mettait les adultes en joie, qui les poussait à agir qui ne soit pas un truc sans attrait ou qui relève d’une désagréable nécessité. Je fais de la musique pour ne jamais oublier que la vie n’est pas qu’une corvée. Et avec un peu de bol, de jeunes gens qui vivent dans la difficulté, et qui sont au quotidien privés de vraies réjouissances entendront peut-être ce qu’on fait et réaliseront qu’il y a autre chose dans la vie que de travailler toujours la journée et d’occuper un boulot que tu finiras par détester quand tu grandiras. Je me fous des genres musicaux. Ce qui est important pour moi, décisif pour la musique, c’est qu’elle ne cesse jamais de communiquer et de dire combien la vie peut avoir du sens. Que cette musique vienne de l’underground ou du mainstream, ça importe peu.
D’où vient le nom du groupe (drab=morne) ? A quoi renvoie Drab City pour vous deux ?
Asia : Drab City est un endroit abandonné que nous avons trouvé, dépoussiéré et nettoyé pour notre usage propre. C’est un endroit pourri mais il se trouve que c’est aussi l’endroit qui présente le plus de potentiel pour nous. C’est un lieu depuis lequel nous pouvons accéder à tout ce qu’il nous plaît d’embrasser et d’éprouver. Dans la vraie vie, je ne me balade pas en racontant mes sentiments les plus profonds alors c’est évidemment tout aussi étrange de les partager en ligne avec les gens sur internet. J’essaie de me souvenir de cela en permanence. Drab City est toujours avec nous. Parfois pour le meilleur, parfois pour le pire. Cela dépend de chacun, de l’environnement dans lequel nous évoluons. C’est quelque chose qu’on ne peut pas modifier, ni bousculer, mais aussi quelque chose qui nous fait avancer et nous donne des coups de pied aux fesses. On n’avance que lorsqu’on se heurte à un obstacle. Certains en rencontrent plus que d’autres et peut-être est-ce pour cette raison qu’ils se situent avec quelques pas d’avance sur tous les autres.
Asia, tu as déclaré dans des interviews que tu avais en quelque sorte « rêvé de musique américaine » en découvrant la pop, le RnB, le grunge et le rock. Est-ce que le son de Drab City correspond à ce rêve d’Amérique que tu avais plus jeune : des petites villes comme dans Twin Peaks, des opportunités nombreuses et pas mal de déceptions.
Asia : Je n’ai jamais dit que j’avais fait ce rêve de musique américaine. Tout ce sur quoi je chante vient de ma propre vie. Certains auteurs ou journalistes musicaux écrivent pour composer un récit autour de nous. Ils sont généralement imprécis, racontent n’importe quoi et nous citent très mal. Ce n’est pas parce qu’on ne s’épanche pas partout sur internet à tout bout de champ qu’on a besoin que quelqu’un le fasse pour nous. Pourquoi est-ce que vous ne vous contentez pas de dire qu’on fait de la musique super chouette et d’en rester là ? « Passe une bonne journée et reviens quand tu veux. Sois cool, tout le monde se fout de qui nous sommes. » Mais si tu as un jour un truc important à nous demander, pense bien qu’on sera super contents de balancer notre secret.
L’album est assez prodigieux. C’est difficile de tracer toutes les influences : c’est à la fois trip-hop, jazzy avec une attitude soul. Il y a de l’electronica et cela sonne aussi punk. Vous aviez une idée préconçue du territoire que vous vouliez couvrir avec cet album ? Une idée précise du son que vous vouliez atteindre.
Asia : Merci. Je pense que notre musique fait passer de très très nombreux artistes populaires pour des billes. Notre disque arrive sans prévenir et les gens sont quelque peu stupéfaits. Alors ils essaient de simplifier notre complexité et de la ramener à quelque chose qu’ils comprennent. La musique révolutionnaire n’a jamais été un genre en soi, jusqu’à ce que quelqu’un arrive pour la nommer. Nous avons besoin qu’on invente un genre pour nous. La musique « prodigieuse» comme vous dites est complexe car les êtres humains sont complexes. On n’est pas tels que la plupart des journalistes essaient de nous dépeindre. Je sais que ça peut être choquant ou dur à avaler mais on n’en est pas arrivés à cette musique hier. On est concentrés sur la musique depuis notre enfance. On a passé chaque jour de notre vie à concevoir cette musique, à y travailler, quelle soit dans notre tête ou que nous la jouions. C’est un langage. Tu ne te souviens pas de la moitié des mots que tu sais réellement jusqu’au moment où tu dois les employer. Et là, ils sont là et t’attendent. La musique qu’on fait est le produit d’une vie passée à accumuler des sons. Comment est-ce qu’on pourrait appeler cela de l’electronica ou du trip-hop ? Ce n’est pas juste. Je suis certaine qu’il y a une mélodie dans notre disque qui provient du souvenir que j’ai d’une pub pour un dentifrice. Qui peut dire d’où viennent les choses que nous faisons et pourquoi nous les faisons ?
Chris : Merci pour le compliment. Il n’y a pas vraiment d’idée d’un son particulier qu’on chercherait à bâtir ou à atteindre. Peut-être est-ce que j’ai en moi un sentiment particulier que j’essaie de retranscrire quand je fais de la musique. Cela peut sonner comme ci ou comme cela, en résonance avec à peu près n’importe quel genre de musique tant que cela s’approche au final du sentiment que je cherche à exprimer. Cela serait difficile de traduire cela en mots, mais je pense qu’en gros c’est ce sentiment selon lequel en dépit de ce que la vie peut avoir de morne, de déprimant au jour le jour, il y a une certaine magie à être en vie. Lorsque, quand je travaille sur une chanson, je sens que je m’approche de la description de cette magie, je m’accroche et j’y retourne, je travaille jusqu’à ce que ce sentiment d’avoir révélé cette magie d’être au monde se renforce et soit encore plus présent. La bonne musique, c’est pour moi la musique qui donne à voir les choses cachées et qui font que la vie vaut la peine d’être vécue. La musique de merde est une musique qui ne permet pas d’accéder à ça. Il y a une interview de Louis Armstrong (on la trouve sur youtube) où il répond à la question en disant : « Tout ce qu’on fait c’est jouer de la bonne musique. On se moque des styles. Les styles n’existent pas dans la musique. Il n’y a que deux catégories de musique. Bonne ou mauvaise. C’est tout ». C’est la meilleure description de la musique que j’ai jamais entendue.
Comment travaillez vous sur les morceaux ? Comment vous écrivez ? Musique, beat, paroles ? Comment ça se passe pour vous ?
Chris : Chaque fois, cela se passe de manière différente. On peut commencer par n’importe quoi : les paroles, un rythme, une mélodie, quelques arrangements de cordes. En fait, on joue comme cela, on tourne autour des choses et on essaie des trucs. Avec de la chance, après avoir fait ça, tu atteins un état d’esprit où tu as désamorcé le monde extérieur et tu te retrouves seul avec la musique et le sentiment qui t’amène à composer. C’est à ce moment qu’apparaît la possibilité que quelque chose de vraiment spécial se produise. Si c’est le cas, il faut essayer encore et saisir l’instant pour amener ce quelque chose à la vie, lui donner corps.
L’album n’est pas à proprement parler un concept album mais il donne peut-être une petite idée de ce qu’est la vie à Drab City. Un peu ennuyeuse, désolée et décevante. Est-ce que vous aviez une représentation précise d’un endroit, d’une époque au sujet desquels ou depuis lesquels vous écriviez ? Ou ces chansons évoquent-elles des territoires imaginaires ?
Chris : J’ai toujours au fond de moi un sentiment tenace et particulier. Comme si j’étais sur le point de révéler quelque chose de profond mais que je ne parvenais pas à avoir accès complètement à cette chose ou à ce message. C’est un peu flou, et fuyant. J’en ai déjà un peu parlé avant. Mais je crois que tout ce que j’ai jamais fait, la musique d’aujourd’hui, comme celle d’hier ou d’il y a dix ans, peut être reçue comme les multiples tentatives d’accéder à cette révélation, de ce secret, de lui donner une réalité, de l’exprimer et de l’extirper du monde dans lequel il se terre.
Vous avez beaucoup voyagé tous les deux. Est-ce que vous avez réussi à vous installer à un endroit pour y vivre, en paix et tranquilles ?
Asia : Nous ne sommes pas si loin de nous installer quelque part pour de bon. Mais on ignore complètement où se situe cet endroit.
Chris : A notre époque, les endroits dans lesquels on passe se transforment tous les cinq ans. La ville où je suis né est méconnaissable aujourd’hui par rapport à quand j’étais enfant. Les gens sont différents. Les immeubles sont différents. La culture entière est différente. San Francisco n’était, il y a pas si longtemps, une ville où toutes sortes de gens venaient pour expérimenter de multiples façons de vivre et pouvaient faire cela pour presque rien. C’était un refuge pour les paumés, les gens bizarres, les gens en dehors du système qui voulaient démarrer un nouveau style de vie pour eux et les leurs. Maintenant, c’est devenu plus un endroit où des gens intéressés par l’argent font des applications pour iphone. La ville entière a été redesignée pour coller à leurs modes de vie. Il n’y a pas tant d’importance que ça : si vous restez en place ou si vous bougez. Tout peut changer brutalement. Tu peux rechercher activement un changement de décor, penser y être et puis ce décor et tout l’esprit qu’il y a autour vont changer soudainement que tu le veuilles ou pas. Bien sûr, la concentration croissante de la richesse entre les mains des spéculateurs immobiliers fait en sorte que tous les endroits où j’ai pu vivre un jour sont devenus trop chers aujourd’hui pour que je puisse y mener une vie agréable. Alors, je déménage et je déménage. Hors de question que je doive prendre un travail que je déteste 50 heures par semaine et payer un un loyer de 1500 dollars par moi pour vivre dans une petite pièce avec une toute petite fenêtre.
On a l’impression à travers tous ces morceaux qu’on a affaire à cette « troubled girl » du titre tout du long. Est-ce que pour vous cette troubled girl est juste une fille normale avec ses échecs, ses passions ou est-ce qu’il y a chez elle (et donc chez vous) un côté maladif. Un vrai désespoir ? Est-ce que vous êtes des gens désespérés ?
Asia : Ah, ah. C’est vraiment une question bizarre. La chanson ne parle pas vraiment d’une fille. Vous devriez réécouter les paroles.
Vos textes sont plutôt sombres et mécaniques, froids et désolés, tandis que la musique est finalement plus réconfortante et chaleureuse. Cela me fait penser à Sade en train de chanter chez Portishead. Est-ce que c’est une comparaison qui vous cause ?
Asia : J’aime qu’on nous compare à de tels artistes, mais si vous voulez vraiment savoir qui nous a influencé et ce qu’on écoute comme musique, il vaut mieux aller voir sur Spotify ou instagram. On n’arrête pas de poster sur les films qu’on vient de voir et la musique qu’on écoute. On fait ça toute la journée.
Vous aviez un groupe ou un artiste à l’esprit avec lequel vous vouliez rivaliser sur ce disque ?
Chris : Notre but c’est vraiment de faire de la bonne musique et d’éviter de faire… de la mauvaise musique. Ce n’est pas à nous de juger si c’est réussi ou non, et comment d’ailleurs, mais évidemment aux personnes qui nous écoutent.
Est-ce que Drab City est vraiment différent d’Islamic Grrrls, votre autre groupe. Des chansons comme The Stranger ou Dont Love Me auraient pu figurer sur le nouveau disque, même si je trouve que la production est plus complexe sur Drab City. Il y a des couches électroniques, comme un dérangement. Comme si vous aviez utilisé d’autres techniques pour déranger les chansons, jouer avec les effets, les distorsions.
Asia : Oui, c’est pour cela qu’on s’appelle Drab City maintenant. Quand on a eu fini le disque Faminine Mystique, on a réalisé vraiment comment notre musique devait sonner. On ne parle pas vraiment de ça. On a changé. On fait ce quelque chose et on voit si les gens aiment ça.
Chris chante sur un chanson du disque, Live Free and Die When It’s cool. Comment ça se fait que vous chantiez sur celle-ci ?
Chris : Parfois j’ai envie de chanter. Mais la plupart du temps… non.
La chanson Standing Where You Left Me me fascine. C’est une chanson pas loin d’être parfaite. Statique et triste. Vous pouvez m’en dire plus sur elle ? D’où elle vient ? Il y a notamment un break de synthé après 2 minutes et 38 secondes qui est incroyable. Et puis le chant revient et il y a cette fin qui ressemble à du Cure, très précise, très délicate. Est-ce que parfois vous êtes vous-même émus par vos compositions ?
Asia : C’est marrant que vous demandiez cela parce que c’est précisément de cette manière là que j’écris mes chansons. Je pense à quelque chose de très personnel sur lequel j’écris et cela me fait pleurer quand je le chante. Ce cadeau me vient de ma famille : le cadeau de la vulnérabilité. Ils m’ont appris à me débrouiller toute seule, à résister toute seul mais aussi à être vraie vis-à-vis de moi-même et des autres. Ils m’ont toujours dit d’arrêter de me la raconter ou de dire des conneries quand j’étais enfant et cela a fait de moi une personne très équilibrée et très humble. Pour le moment, je n’ai aucun problème à ce que ces histoires que je chante rentrent dans les chambres des gens mais lorsque j’aurais à chanter certains textes devant des personnes en vrai, je pense que ce sera particulièrement difficile pour moi, sur certaines chansons notamment.
De quelle chanson êtes vous le plus fiers sur cet album ?
Asia : Je ne veux pas être malhonnête. Je les trouve toutes très bien. C’est étrange mais même si le boulot est fait maintenant, je continue d’écouter ce disque. Et c’est très satisfaisant d’écouter et de réécouter quelque chose qui sonne aussi juste pour moi.
Chris : Je suis plutôt fier que l’album sonne comme un tout, une vraie affirmation globale plutôt que comme une série de chansons mises bout à bout. C’est quelque chose que je trouve toujours difficile à faire, créer un album.
Comment vous travaillez l’un avec l’autre ? Est-ce que vous arrivez à vous surprendre ? Est-ce que vous vous cachez des choses ? Par exemple en livrant une mélodie vocale au dernier moment ? En improvisant ?
Chris : Oui, c’est vraiment une combinaison de toutes ces choses. Il y a des choses sur lesquelles on travaille qui bénéficient parfois d’un travail d’improvisation. Et on aimerait beaucoup être meilleurs dans ce domaine.
Comment avez-vous vécu le confinement ? Vous avez fait de la musique pendant cette période ?
Asia : Non, on a pas fait de musique. On se demandait d’abord comment les choses allaient tourner et puis il y a eu la mort de George Floyd et cela nous a coupé les pattes. On s’est contentés de s’informer, de partager des infos, de la musique, des lectures, de parler avec nos amis et nos familles, de tourner des clips et d’essayer de contribuer à toutes les conversations ambiantes à travers notre musique.
Vous avez prévu de tourner en Europe prochainement ?
On sera en Grande-Bretagne en mars 2021. J’espère qu’une tournée européenne se déroulera à la suite.
Qu’est-ce que vous attendez de ce disque ? Des occasions pour tourner ? Des ventes ? La presse semble assez enthousiaste…
Chris : C’est difficile d’attendre quoi que ce soit dans l’industrie actuelle de la musique. Il y a tellement de groupes et de musiciens incroyables qui ne rencontrent qu’un succès ridicule alors que des gens horribles sont élevés sur un piédestal parce qu’il y a tellement d’argent qui est mis à leur service. Avoir une quelconque attente quand on est un petit groupe indépendant serait idiot. Mais on est quand même très contents qu’il y ait autant de gens qui aiment notre disque C’est chouette.
Qu’est-ce que vous avez prévu dans les 6 prochains mois ?
Chris : On va travailler pour préparer les concerts à venir et aussi commencer un nouvel album pour l’année prochaine.
Vous écoutez quoi à la maison ?
Chris : de la bonne musique !
C’est bientôt les vacances. Qu’est-ce que vous nous conseillez à lire, à écouter, à voir ?
Chris : Ces dernières années, on a écouté pas mal de jazz. Là, on est en train de partir sur autre chose. Mais musicalement, et dernièrement ça a été plutôt Eric Dolphy, Mingus, Barney Kessell, Monk, Gil Evans, Blossom Dearie, George Russell….du jazz, beaucoup de jazz. Je viens de finir un excellent livre du journaliste musical Ted Gioia qui s’appelle A Subversive History of Music. Je recommande.
On a regardé What’s Up doc ? de Peter Bogdanovich (On s’fait la valise) avec Barbara Streisand et Madeline Kahn. Il y a de magnifiques plans sur les rues de San Francisco au début des années 70 et c’est aussi très très drôle.
As the band delivered a few months ago what could possibly be this year’s best LP, we didnt know that much about Drab City. The band is as exciting as it is tight and protective of its own history and mystery. Drab City was an unknown territory before we’ve reached them and it is still afterwards. Worst of all : the secret seems to have expanded one question after another. Those two musicians seem to have reach a point where time and space merge into a strange and strong new dimension. The very place where dull turns gold. Good songs for bad people sounds like it is the first attempt to catch something bigger than the band itself and probably bigger than life, something so enormous and glorious it could blind us all and change the game forever. Drab City may very well never play better than they do. What makes them so interesting right now is how close they are to it, how determined and passionate they are to give the best they can. It is humane. It is beautiful. It is drab. And perfect for summer.
Can you explain us the wonderful mystery of your origins ? It’s funny how people introduce yourselves. French, American, Bosnian singer from Berlin. I’ve read and heard a dozen stories about you meeting at the gates of a factory…
Asia : You know the funny thing is they’re all kind of true, but also not really.
Chris : A wondeful mystery explained becomes a set of dull facts.
Is it important for you to keep a little secret about all this ? It is of course strange to have a blurred history at a time when everybody knows everything about everyone ?
Chris : I don’t think everyone knows everything about everyone. We all know the boring details…what city they call home; What year they were born; You can even look up on the internet how much a person’s house is worth. But we hardly know anything interesting about even the people we see everyday: Was your father kind? Why do you keep making the same painful mistakes again and again? What was it about the first person you fell in love with that attracted you? Do you still love the things that thrilled you as a child or have you become hard and cold and indifferent ?
Christopher, it is established you come from the San Francisco area and you were part of what is known as the witch house movement. It is quite a cosmopolitan small world. You’ve been working on Nihjgt Feelings which is a Turkish label you’ve helped to launch and also for Emotion Records which is Swedish. Small productions, handcraft music for a few listeners. Do you consider yourself as a guy coming from the underground ? Can we say Drab City is kind of a higher-profile type of band ? It is not that much… drab.
Chris : I’ve always just tried to make music that excites me and hopefully excites other people. When I was a child, I thought the adult world looked painful, difficult, and joyless. Most adults around me seemed beaten down, tired, and just trying to get to the next day with a little hope for the future left in them. But music was different. It was thrilling and full of life and passion. It was the first thing I saw adults doing that seemed a joy, rather than a bland, unpleasant necessity. So I make music to stay connected to the feeling that life is not always drudgery. And hopefully young people who live in difficult, joyless circumstances might hear something we make and realize there is more to life than just working all day at a job you hate when you grow up. Genre is unimportant to me. What’s important about music is that it always tries to communicate that a meaningful life is possible. I suppose it could come from the underground or more mainstream sounds. It doesn’t matter to me.
How did you come with the band’s name ? What does it refer to for you two ?
Asia : Drab City is an abandoned place we found which we cleaned and dusted for ourselves. It is a rotten space but it also happens to be the one space with the most potential in it. It’s a place where we can embrace what we feel. However, in real life I don’t walk around telling everybody my deepest feelings, so it feels strange to share it with the internet. I always remind myself to hold the Internet accountable for the reality of it.
Drab City is always with us, and sometimes it can turn out for better or for worse. It’s all up to the others, the environment we’re in. It’s this thing we can’t shake off but it also really kicks us in the ass. You only evolve when you’re exposed to an obstacle and some people just have encountered more of those, so they have a few steps ahead of others.
https://www.youtube.com/watch?v=xC_fxijO-gs
Asia, you’ve said in previous interviews you had somehow a « dream of American music » from pop to Rnb, to grunge or rock. Is Drab City a vision you have from America : little towns like in Twin Peaks, opportunities and deception ?
Asia : I have never said I had a « dream of American music ». Everything I sing about comes directly from my life. Some music writers really like to create a narrative for us, and they are mostly inaccurate and misquoting. It’s not because we don’t vomit our souls all over the internet that we need somebody to do it for us. Why not just satisfy yourself with the fact that there is some great music we wrote and leave it there ? Enjoy your day, you’re welcome. Relax, nobody cares who we are. But if you can think of something great to ask us, we’re happy to give away a secret.
The Lp is a prodigious effort. It is quite difficult to track down all influences : it is trip-hop of course but also jazzy with a soul attitude, electronica and punkish at times. Did you have a predefined idea of the ground you wanted to cover with the LP ? An idea of the sound you wanted to build ?
Asia : Thank you. I think our music is currently making many, many popular artists look very bad. Our record arrived unannounced, and people are a little stunned, so they try to simplify our complexity into something they can comprehend. Revolutionary music never was a genre until somebody came up with a name. We need our own genre.
« Prodigious » music is made of complexity, humans are complex. We don’t function the way most journalists try to portray us. I know it is shocking and hard to accept but we didn’t just come up with this music yesterday. We’ve been very concentrated on music since childhood and spend every day of our life working on music, whether it was in our head or making it. It is like language. You don’t remember half of the words you actually know until you need to use it and then it’s there. The way we make music is a result of life-long collection of sounds, so how can we call what we do trip-hop or electronica? It’s not fair. I’m sure there is a melody on our record that I remembered from a tooth paste commercial. Who knows why we do things we do ?
https://www.youtube.com/watch?v=Dc3Vs3q6tiU
Chris : Thank you for the compliment. I don’t think there is an « idea » of a sound we try and build. I think maybe I have a particular feeling inside me that I try to express when I make music, and it can sound like anything or refer to any kind of music as long as it comes close to expressing that feeling. It would be difficult to put that feeling into words, but I suppose its the feeling that despite how dull and depressing everyday life can be, there is magic in being alive. And if while I’m working on a song I think I’ve hit on some of that magic, then I keep expanding and working on the song until it reveals even more of that magic. Good music to me is music that reveals things that are hidden but make life worth living. Bad music is music that does not. There is a terrific Louis Armstrong interview (you can find it on Youtube) where he answers a question about genre by saying « All we play is good music. We never did worry about styles, ain’t no such thing as styles in music. Ain’t but two kinds. Good or bad. That’s all.” That’s the best description I’ve heard.
Can you tell us about how you work on songs ? What is your process ? How do you start ? Music, lyrics, beats. Do you work at home ? Are you studio freaks ? Perfectionnists ?
Chris : The process is always different. It can start with any element : words, a drumbeat, a melody, a set of chords. But really we just mess around and try different things. Hopefully, eventually, you achieve a state of mind where the outside world is tuned out and nothing but the music and your feelings about it exist. At that point maybe something special reveals itself. Then we try and grab hold of that and bring it more to life.
Technically the Lp is not a concept album but the whole LP gives a good idea of what life in this imaginary Drab City could be. It is a bit boring but desolate and full of deception. Did you have a precise place in space and time in mind when writing the songs ? Or is it mostly imaginary mental landscapes ?
Chris : If anything, there’s a particular feeling I have inside all the time that feels on the edge of revealing something profound but I can never really fully access it. It is elusive and fleeting. I’ve already kind of tried to describe it in the answers I’ve given to other questions, I guess. But any time I make music, whether today, yesterday, or 10 years ago, I am always trying new ways to access this feeling and make it more real and pull it out into this world.
You’ve both travelled a lot. Is it hard for you to find the right place to live ? A place where you feel well and at rest ?
Asia : We think we’re getting pretty close to settle somewhere. No idea where that is though.
Chris : The thing is, in our times, every place you go is completely different every 5 years anyway. The city I was born in is unrecognizable today from what it was when I was a child. The people are different. The buildings are different. The entire culture is different. San Francisco was not so long ago a place where all kinds of people came to experiment with differnt ways of living and could do so cheaply. It was a refuge for outcasts and weirdos and people who wanted to start a new kind of life for themselves. Now its a place where a bunch of people interested in money make useless iphone apps and the whole city has been redesigned to accomodate their way of life. So it doesn’t matter if you stay in place or keep moving. Everything brutally changes. You can actively seek a change of scenery or the scenery and spirit around you will change whether you want it or not. And of course the increasing concentration of wealth in the hands of real estate speculators makes it so that everywhere I’ve ever lived eventually becomes too expensive for me to live a good life there. So I have to move on. I’m not going to work a job I hate 50 hours a week and pay $ 1500 a month to live in a tiny room with one small window.
https://www.youtube.com/watch?v=ErkEmYVGLKM
We have this « troubled girl » impression all along the way. Is this troubled girl for you just an « average-troubled » girl (i mean any girl with passions and failures could identify with what you sing) or a over-troubled girl ? I mean she is so sad sometime it could be real sadness, madness, despair. How desperate is your sound to you ? Are you desperate people ?
Asia : Haha, that’s a weird question. The song is not really about a girl if you really listen to the lyrics.
As the lyrics and singing are deliberately dark and sad, mechanical and cold sometime, the music sounds on the contrary very comforting and warm. The beat is mid-tempo. The bass is benevolent. It sounds to me like Sade singing in Portishead ! Which is something i had never dreamt about. How would you define what you’ve done yourself ? Would the Sade singing for Portishead definition suit you ?
Asia : I love people compare us to such great artists, but if people want to know what music really influenced us and what we listen to, they should head to our Spotify or Instagram. We always post movies we just watched and music we listen to all day.
Did you have in mind a particular artist or LP you wanted to emulate with this LP ?
Chris : The goal is to make good music and avoid making bad music. Of course if we succeed or not, is not for us to judge but for listeners.
How far is Drab City different from Islamic Grrrls, your other band ? Songs like The Stranger or You Dont love Me for example could have been on the new LP, though i think, the production is more complex here. You’ve got more electronic layers. As if something was deranged or you had used different technics. Spent maybe more time to disturb the song, to play with distorsion and effects. We can feel how « deranged » the songs are.
Asia : Yeah, that’s why we are called Drab City now. When we finished recording « Faminine Mystqiue » we suddenly realised what our music should sound like. We don’t really talk about it, we just do something and see if the other one likes it.
Chris is singing on one song on the LP, Live Free and Die When it’s cool. Is it something common for you ? How comes you sang this one ?
Chris : Sometimes I feel like singing. But mostly I don’t .
I’m fascinated by the last song, Standing Where You Left Me. It is so perfect a song. So static and sad. Can you tell me a bit more about this song ? Where does it come from ? We’ve got this instrumental synth break round 2 :38 which is amazing. Then the singing comes back and there is this Cure-like ending so delicate and precise. Are you sometimes moved by your own singing/composing ?
Asia : Funny you ask, because that is how I write my songs. I think of somethng very personal to write and it makes me cry when I sing it. I think I got that gift from my family, the gift of vulnerability. They taught me how to stand up for myself, and always be real with myself and others. They always called me out on my bullshit when I was a kid and it made me a very centred, humbled person.
For now it’s ok to see it find its way into people’s bedrooms, but when I will have to sing certain words to people in person it’ll be rough to say certain things in my songs.
Which song are you most proud of on the LP ?
Asia : This might sound dishonest, but I’m really proud of every single one of them. It’s very strange but even though the work is done I keep listening to the record. It’s really satisfying to hear something that sounds right to you.
Chris : I suppose I am proud that the LP sounds like a single statement rather than a collection of individual songs. I find this very hard to achieve.
How do you function as a band ? For example, do you hide things to one another just as the other one discovers things at the last minute. Lyrics for example or vocal melody ? Do you like to surprise yourselves in the studio ? Improvise things ?
Chris : Its really a combination of all those things. Something we are working on is getting better at improvising things. We’d like to be better at that.
How did you live during lockdown ? Did you do a lot of music during this period ?
Asia : No we didn’t make any music during lockdown, first we tried to figure out what was going to happen and then George Floyd was killed and it swept us off our feet. So we’ve been just sharing information, sharing music and books, talking to our family and friends, making music videos and trying to contribute to the conversation through our music.
Do you plan to tour Europe soon ?
We are touring the UK in March. Hopefully a European tour will follow in the months after that.
What do you expect from the LP ? Touring opportunities ? Sales ? You’ve already had a lot of press attention, havent you ?
Chris : Its hard to expect anything in today’s music industry. So many incredible musicians and bands find only small success while horrible people are elevated to the highest levels because they have so much money behind them. To have expectations of any kind as a small, independent group would be crazy. That said, we are happy so many people seem to like the record. Its very nice.
What’s the plan for the next 6 months ? Have you recorded other songs already ?
Chris : We plan on working on our live performances and also begin working on a new LP for 2021.
What kind of music do you listen to at home ?
Chris : Good music.
Can you draw me a list of things you’ve listened to, read or movies you’ve seen recently ? Summer list for our readers ?
Chris : For the last couple of years its been a lot of jazz, but I think we are starting to move on to other things. But musically the last couple years has been Eric Dolphy, Mingus, Barney Kessell, Monk, Gil Evans, Blossom Dearie, George Russell….just lots of jazz. I just read an excellent book by the music writer Ted Gioia called « A Subversive History of Music ». We recently watched this Bogdanovich movie with Barbara Streisand & Madeline Kahn called « What’s Up Doc ? » that has lots of beautiful street shots of San Francisco in the early 1970s and its also really funny.