La nouvelle a été largement éclipsée par l’incendie de Notre Dame mais la situation n’en est pas moins grave : la mystérieuse épidémie de reprises de Depeche Mode par des artistes français (pourtant) de qualité gagne du terrain et menace chaque jour de s’étendre un peu plus. Qu’est-ce qui peut bien pousser des chanteurs respectables et cohérents comme VIOT, d’un côté, ou Olivier aka Ali Veejay, le chanteur de 1=0, à reprendre des titres du groupe de Basildon en 2019 ? C’est une chose que la science et les historiens auront à expliquer avant que nous puissions envisager sereinement de reconstruire notre paysage musical. Reprises de The Cure ? Rien. De The Smiths. Pas plus. De Simple Minds ? Non plus. Il n’y en a que pour Dave Gahan et Martin Gore depuis quelques semaines. Il faut dire que l’air/ère est dark et électro mais tout de même : est-ce bien ce que réclament les gilets jaunes pour mieux vivre ?
D’un côté, un projet créatif au long cours, soutenu par une collecte Tipeee qui démarre, et qui est passé déjà par une demie-douzaine de morceaux repris assez brillamment sous l’étiquette Depeche Folk, tout un programme où l’ami Ali Veejay reprend à sa façon, c’est-à-dire de manière finalement assez fidèle aux originaux (si on enlève les… instruments et le son), les titres de Depeche Mode. L’agitateur poète et rockeur bruit blanc est devenu folkeux. C’est aussi puissant et intense que lorsque Dylan s’amusait à faire le chemin inverse. On exagère mais l’idée y est. Depeche Mode bien sûr car quel groupe imaginer de mieux (ou de pire) pour une version débranchée ? Depeche Folk amuse (un peu) et convainc beaucoup. Mais pourquoi ?
De l’autre, en mode blanc-bec mi-respectueux, mi-provoc, un VIOT qui propose une version (sans doute one-shot) du sublime Personal Jesus en traduction et refonte intégrale, électro jusqu’au bout des clous et fringante comme à l’origine. On n’avait pas entendu une chanson aussi pertinente avec le mot « foi » depuis le tube d’Ophélie Winter. Une réaction s’impose : c’est bizarre. Après son Minotaure EP, le choix surprend et puis séduit. C’est bizarre. Weird. Inquiétant aussi. Quelle idée de traduire les paroles de Depeche Mode. Le clip, signé Charles Habib-Drouot, est magnifique. La version séduit ou horripile. Cela voulait dire ça ? Il y a toujours un effet mi-magique, mi-incrédule lorsqu’on entend ce genre de travail mais là encore, force est de constater que ça fonctionne et que VIOT en rajoute une belle couche, fragile et vibrante, là où l’interprétation de Gahan préférait le lyrisme et la recherche de transcendance.
A qui le tour ? On ne sait pas. Les garçons coiffeurs se planquent et les Vibrator boys rasent les murs. Il paraît que le virus comme le papillomavirus se transmet par l’équipe intensive de l’album 101. Un vaccin est en cours de fabrication. En attendant, il n’y a rien de mieux à faire que d’écouter le symptôme.