Prince / Originals
[Warner Music]

7.9 Note de l'auteur
7.9

Prince - OriginalsLes archives de Prince hébergent des trésors dont on pourra certainement se délecter jusqu’à la fin de nos jours. Originals le confirme qui propose rien moins que 15 nouvelles chansons composées, chantées et majoritairement interprétées par Prince avant que d’être offertes à des groupes qu’il produisait (The Time, Vanity 6, etc) ou qu’il aimait bien comme les Bangles. Les titres qui composent Originals sont ainsi comme des reprises à l’envers, c’est-à-dire la matrice originale mystérieuse et inconnue -de ceux qui ne les avaient pas cherchées sur youtube ou sur des albums pirates – de chansons qu’on a pu croiser (pour un petit nombre d’entre elles) interprétées par quelqu’un d’autre. Peu d’entre elles ayant eu une postérité extraordinaire, à l’exception de Nothing Compares 2 U qui ferme la sélection, autant dire qu’on se retrouve plutôt face à des morceaux qui sonnent comme autant d’inédits, venus de la période pré-Purple Rain (1982) jusqu’au milieu des années 80 (1986-7) qui correspond clairement au pic de créativité du kid de Minneapolis.

Que dire de ces morceaux si ce n’est qu’ils sonnent comme tout ce que Prince compose à ce moment-là : formidablement bien. On y retrouve ce fond synth-funk incandescent et vibrant qui caractérise son son de l’époque, de l’audace, de la sensualité et une énergie entière tournée vers l’amour et le désir de l’autre. Les titres d’Originals sont pop, funk et R&B à la fois, dépassant et élargissant le cadre habituellement occupé par ces musiques pour les fusionner en une musique fusion immédiatement identifiable et qui n’a étonnamment jamais été copiée à l’avenir. La compilation démarre par Sex Shooter un titre perdu que Prince destine au groupe Vanity 6, lequel n’accouche finalement jamais de son second album. Prince récupère le morceau et le refourgue alors opportunément à Apollonia 6, une version altérée du groupe qu’il recrée autour de la star de Purple Rain, Patricia Kotero. Peu importe, la version de Prince est bien meilleure, ce qui est presque toujours le cas ici.

Prince donne une leçon à distance à son copain Morris Day avec sa version de Jungle Love qui sera pourtant un mini-tube pour le groupe The Time. La rythmique est un peu mécanique et les chœurs ont vieilli mais le mélange d’érotisme et de techno-funk est irrésistible et moite à souhait. Manic Monday, qui a bien marché avec les Bangles, est une chanson magnifique, au même titre que la balade romantique Noon Rendez-vous, co-écrite avec la fidèle Sheila E. Le morceau confirme que Prince est à l’aise sur tous les tempos et possède alors ce sens inné du tube. L’arrangement en simple piano voix nous donne le sentiment d’entrer dans l’intimité du compositeur et d’assister à l’une de ces séances nocturnes pendant lesquelles il compose ses grands chefs d’œuvre. En 1982, Prince est déjà électro comme en témoigne Make-Up. 100 MPH donne l’occasion de redécouvrir l’existence du groupe Mazarati que Prince prend sous son aile peu avant Kiss et qui ne connaîtra jamais de succès véritable, en dépit de ce morceau infectieux. On pourrait ainsi passer les titres en revue un à un et en raconter l’histoire, la généalogie. Cela passionnerait les fans hardcore mais finirait forcément pas ennuyer les autres.

On attirera l’attention sur Baby You’re A Trip, interprétée en 1987 par Jill Jones, et qui est une chanson venue de l’époque 1999. Le son est assez différent des autres morceaux et c’est l’un de nos morceaux préférés ici. Prince y réussit une performance vocale insensée, insolente et crâneuse qui aurait pu figurer sans difficulté sur n’importe quel de ses albums de l’époque. Qu’un artiste écarte un morceau de cette intensité et de cette évidence de sa production principale montre à quel niveau Prince évolue pendant cette décennie. C’est ce sentiment époustouflant d’un puits sans fond qui émerge de la découverte d’Originals. The Glamourous Life (sur lequel il chantait avec Sheila E) est une tuerie véritable sortie dans sa version cover en 1985. C’est un précipité savoureux de l’Amérique de l’époque, de son son, de sa sexualité. Il y a une beauté cinématographique spontanée en ces années-là, l’impression tenace que Prince chante la réalité du pays, cette désinvolture et cette liberté qui s’expriment dans des amours relâchés et intenses. Plus que la surprise attachée à la découverte, on s’émerveille aussi du bonheur, de l’allégresse, de la légèreté et de la liberté qu’expriment ces titres. A trois décennies de distance, l’effet est redoutable et a de quoi nous donner le sourire comme si on venait de découvrir un trésor en même temps qu’une civilisation disparue.

Originals est ainsi une collection remarquable, dense et au charme inépuisable. Prince a jusqu’à présent les fonds de tiroir les plus cools de l’histoire. Gigolos Get Lonely Too, surtout quand ils sont morts.

Tracklist
01. Sex Shooter
02. Jungle Love
03. Manic Monday
04. Noon Rendez-vous
05. Make-Up
06. 100 Mph
07. You’re My Love
08. Holly Rock
09. Baby, You’re A Trip
10. The Glamourous Life
11. Gigolos Get Lonely Too
12. Love… Thy Will Be Done
13. Dear Michaelangelo
14. Wouldn’t You To Love Me ?
15. Nothing Compares 2 U
Écouter Prince - Originals

Liens

Lire l’article :
Prince and The Revolution / Live [Legacy]

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