Nicolas Sauvage / The Smiths – Hand In Glove
[Coll. Seveninches/ Le Boulon]

7.5 Note de l'auteur
7.5

Nicolas Sauvage - The Smiths Hand In GloveOn n’a pas décidé coûte que coûte de couvrir TOUTES les publications du Boulon mais en ce début de printemps, la maison d’édition fait feu de tout bois et aligne, après le Blue Monday de Frédérick Rapilly, deux autres ouvrages dont on se devait de parler : une presque biographie de Scott Walker par François Gorin et ce Hand in Glove, écrit par le désormais spécialiste du groupe Nicolas Sauvage, auteur l’an dernier d’un monumental Morrissey l’Insoumis.

La préface est signée, comme un adoubement d’expert à expert, par JD Beauvallet, si bien qu’on sait d’emblée que ce petit livre, consacré, comme le veut le cahier des charges de la collection seveninches, à un single (et quel single) sera de bout en bout exactement comme il doit être. On ne va pas paraphraser la paraphrase et se mettre à mal raconter l’histoire de Hand In Glove, l’origine des Smiths, le Manchester des années 80, la Dame de Fer, la rencontre entre Morrissey et Marr, la chambre du chanteur, la formation du groupe, les obsessions des uns et des autres : tout y est, juste bien raconté, bien documenté et étayé comme il se doit par des souvenirs, des déclarations, des reprises d’informations et agrémenté de belles analyses.

L’écriture de Nicolas Sauvage gagne à évoluer dans ce format contraint qui force l’ancien disquaire écrivain à un peu plus de concision et à organiser les faits de façon plus sélective. Le Hand In Glove est évidemment riche en éléments factuels mais aussi agencé avec une vraie élégance qui donne à la lecture un résultat plutôt rafraîchissant s’agissant d’un matériau qu’en bon obsédé du groupe… dont on a lu tous les livres, on connaît pour le coup vraiment par coeur. La question n’est pas de savoir si le livre est bon (il l’est, fluide, bien campé sur ses 100 et quelques pages) mais si au final, Hand In Glove est si important qu’il en a l’air pour le groupe lui-même, ses auteurs, et leur carrière. Dans le processus créatif qui s’engage entre Morrissey et Marr, il n’est pas certain que le morceau ait eu d’emblée la position centrale qu’on lui prête a posteriori.

Son importance tient comme l’évoque Nicolas Sauvage en ce qu’il se détache de lui-même des autres titres composés alors par le groupe (qui travaille au moment de sa composition, bon an mal an, depuis six ou sept mois ensemble) et s’impose par sa qualité, sa dynamique, sa radicalité romantique, comme le premier single du groupe. Est-ce lui qui leur ouvre les portes d’un contrat avec Rough Trade ? Peut-être. Ensuite, et surtout, il semble qu’Hand In Glove conforte de manière définitive la méthode qui veut que Marr compose AVANT que Morrissey ne pose ses paroles sur la musique et non l’inverse, ce qui semblait avoir été plutôt la dominante entre eux avant ça. Pour le reste et l’histoire, on pourrait considérer que This Charming Man, avec ses ambiguïtés, et What Difference Does It Make?, si vive, si énérgique, aient été des chansons au moins aussi décisives, intéressantes et réussies, mais il ne fait pas de doute qu’Hand In Glove à travers la métaphore supposée (et cela reste une vraie supposition) qu’elle propose de la relation d’harmonie extraordinaire entre Morrissey et Marr a acquis par la suite une aura indépassable.

On sera gré à Nicolas Sauvage d’avoir aussi retourné le disque et consacré quelques pages (2 ou 3 mais c’est déjà ça) à la face B du single, Handsome Devil, chanson souvent mésestimée et qui, sur son engagement mélodique, et surtout son texte fou, est peut-être la plus insondable, passionnante, ambiguë, dingue du répertoire des Smiths. A ce jour, personne, et encore moins Morrissey qui en a (suppose-t-on) les clés n’est vraiment parvenu à en décoder les mystères. Nicolas Sauvage ouvre quelques pistes et on aurait presque aimé qu’il aille plus loin dans la tentative.

On peut supposer (malheureusement) que Hand In Glove, le livre, prêchera et atteindra majoritairement les convaincus. Comme le Blue Monday de Frédérick Rapilly, il le fait avec une maîtrise formelle excellente, une vraie vivacité et une modestie qui sont très estimables et qui raviront sûrement ceux qui ne naviguent pas dans cette histoire depuis 30 ou 40 ans. Est-ce que les afficionados auraient souhaité plus de surprise et de fantaisie ? Est-ce que ceux qui viendraient au groupe par ce biais sont prêts à plonger si loin ? Ce sont des questions qu’on se pose encore quant à cette collection ambitieuse et innovante. Au fil du temps, la collection 33 1/3 (dont seveninches s’inspire un peu mais en la transposant génialement aux singles) est devenue plus subjective, plus intime, plus fantaisiste offrant par delà l’aspect journalistique et documentaire une vision plus marquée par la personnalité de ses auteurs. Cela a donné de vraies réussites et de gros ratages. seveninches n’en est pas encore à cette prise de risque là mais y viendra peut-être un jour. En attendant et avec Nicolas Sauvage en tête, elle s’impose d’emblée comme une magnifique collection patrimoniale dont on découvrira les autres épisodes avec curiosité et passion.

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