Little Big Vega

Alan VegaLe 16 juillet dernier s’en est allé l’un des derniers grands spécimens de la scène musicale avant-gardiste new-yorkaise des années 80, Alan Vega, précurseur de la scène proto punk qui révolutionna en son temps tant de tympans biberonnés à la musique réglementée et conventionnelle du moment. C’est peu de dire que ce type au faciès d’indien Comanche a déstabilisé de façon préméditée le bon rock blanc américain et scalpé du même coup tous les chevelus flower power et toutes les crêtes iroquoises de l’époque.
1977, sortie de son fulgurant LP, Suicide, je n’y étais pas, mais je sais qu’en 1980 son aura démesurée a transfiguré le paysage musical d’alors, et aujourd’hui encore toujours sujet à passion et à controverse, Adulé par les uns, détesté par les autres, Suicide c’est le genre de groupe qui malmenait son auditoire à coup de hache vocales, au son synthétique analogique primitifs rugueux et répétitif. Son fidèle frère d’arme, Martin Rev expérimenta alors un concept sonore synthétique peu connu à ce jour, fait d’arrangements à base de boite à rythme primaire répétitive et d’un orgue farfisa détourné et volontairement torturé.
Cet indien des temps moderne montait sur scène comme on s’en va à la chasse ou la guerre pour simplement prouver sa bravoure tribale, un exutoire pour lui, une épreuve pour le public. Preuve en est, les cicatrices laissées sur son faciès lors de ces épiques concerts violents et parfois sanglants. Lors d’une de ces attaques nocturnes il n’était pas rare qu’il reçoive sur scène une véritable hache tranchante qui aurait pu lui être fatale, sans doute celle d’un cowboy sudiste mécontent et / ou désireux d’en finir au plus vite avec cet indigène et cette première partie indigeste.
Mais le Vega n’était pas homme verticale à se laisser déstabiliser ni même à fumer le calumet de la paix avec qui que ce soit. Persévérant, rusé, scénique, des projets plein la tête, même en 2016 avec l’énigmatique Christophe bien de chez nous (sur Tangerine, album Les Vestiges du Chaos), il aura su prouver aux modèles musicaux des années 80 l’éclaireur doué qu’il était, magnifié d’une vision apocalyptique mystique. Rares sont les individus de ce calibre à avoir laissé une si grosse empreinte esthétique au patrimoine musical contemporain. Désormais en paix avec l’homme blanc, l’être n’est plus mais sa musique demeura aussi longtemps que la musique sera.

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