[Interview] – Luke Haines contre le Système : « la musique rock est une force qui peut être mise au service du bien »

Luke HainesAuteur d’un des meilleurs albums de l’année rock anglaise, le réputé atrabilaire Luke Haines, ancien leader de The Auteurs et animateur en chef de Black Box Recorder (entre autres groupes prête-nom), avait pris la (bonne) habitude d’inonder le marché du disque d’albums concepts ces dernières années : sur le catch, New York dans les années 70, les abris anti-atomiques, The Fall en combi ou encore les pionniers du rock en animaux. Pour le meilleur et pour… le meilleur.

English version below.

Avec Smash The System, sorti il y a quelques mois, il signe pour la galerie son premier album « non-conceptuel » depuis un bail et livre surtout une collection de chansons irrésistibles entre pop classieuse et rock qui dérange. Véritable parrain clandestin du rock anglais (dont il ne tire aucune ficelle), Luke Haines pourrait bien dans les années à venir incarner à lui tout seul cette mémoire culturelle et musicale que l’évolution de la société britannique est en train de faire passer à la trappe, celle du rock à guitares, du five o’clock tea et des blousons noirs, celle de l’ancienne Angleterre, stylée et populaire à la fois, où l’on peut citer la Nouvelle Vague et aller faire le beau au pub dans la même minute. Pour les étrangers, Luke Haines incarne la quintessence de l’Englishness et une « certaine idée de la pop », autant dire un univers en voie de disparition mais aux contours encore mythiques pour beaucoup de continentaux. Quelques mois après le Brexit, il était bienvenu de faire le point avec le sage dingo réfugié sur sa colline, histoire de voir de quel côté allait tourner la roue de l’Histoire. On n’est pas revenus bredouilles.

Smash The System est votre premier album non-conceptuel depuis 21th Century Man/ Achtung Mutha. C’était important pour vous de revenir à un album de chansons ? Est-ce que cela change la manière dont vous envisagez la création d’un album.

A un moment, j’ai commencé à réaliser que peut-être est-ce que je n’arriverais plus à composer un album normal si je continuais ainsi à multiplier les albums-concept. Et c’est ce qui m’a amené à en réaliser un le plus vite possible.

Est-ce qu’écrire un album « normal » signifie pour vous avoir plus de liberté et plus de possibilités d’expression ?

Non, je ne me sens jamais restreint. Pourquoi est-ce que je le serais ? Je suis le seul à pouvoir m’imposer des restrictions. En fait, je n’ai vraiment pas pourquoi certaines personnes se disent artistiquement contraintes par telle ou telle chose. C’est absurde.

Je reviens sur cette série d’albums concept qui a démarré avec 9 1/2 Meditations et qui s’est prolongée jusqu’à British Nuclear Bunkers. Vous vous êtes dit : « Allez, Luke, on y va pour 4 ou 5 albums concept à la suite et on verra où ça nous mène » ?

Oui, c’est ça. Je me souviens que lorsque je donnais des interviews pour l’album 9 1/2 meditations, c’est exactement ce que je disais : »je veux faire une série d’albums concept ». British Nuclear Bunkers n’a pas marché formidablement, même si je considère que c’est l’un de mes meilleurs albums. Je m’en moque à ce stade car c’est déjà arrivé. Personne n’aimait After Murder Park à sa sortie et maintenant les fans le plébiscitent. C’est la même chose avec Off My Rocker. Mes fans finissent toujours par comprendre et me rattraper. Ils sont bons mais j’ai pris l’habitude de bouger vite.

Comment est-ce que vous travaillez ? Vous prenez les albums les uns après les autres ? Vous posez le concept et vous écrivez autour ?

J’écris tous mes disques dans l’ordre. L’ordre des morceaux est généralement l’ordre de leur écriture. J’ai toujours procédé ainsi.

British Nuclear Bunkers célébrait autant l’âge nucléaire que votre rencontre avec un instrument particulier : un synthétiseur vintage…. Est-ce que c’est cette découverte d’un instrument qui a conduit au thème de l’album ou l’inverse ?

Non, j’avais déjà mené pas mal d’expériences avec des synthés sur l’album précédent NY in the 70’s. L’album qui a suivi a été la conséquence (anti)logique de ce travail précédent.

Il y a quelques années, les albums concept étaient un gage de sérieux et d’ambition. Aujourd’hui, il me semble relever plus du marketing ou d’une volonté de s’amuser. Pourquoi est-ce que cela a évolué ainsi ?

Je crois que c’était surtout un gros mot. Album concept renvoyait au prog rock. Quelle horreur ! Maintenant le prog rock est tenu en plus haute estime. Et puis le rap et le hip hop s’y sont mis et ce sont des genres qui sont beaucoup plus conceptuels que ne l’a jamais été le rock blanc. Les musiques noires ont traditionnellement privilégié les approches conceptuelles, depuis Coltrane, Miles Davis mais aussi chez Gil Scott Heron and The Last Poets.

Au fil des années, vous donnez l’impression d’avoir accédé à une liberté presque complète d’écrire mais surtout d’enregistrer et de sortir la musique qui vous plaît. Comment est-ce que vous avez réussi cela à une époque où tout le monde se plaint des ventes qui chutent, de la fin des indépendants, de la frilosité des maisons de disques, du manque d’argent, etc ?

Je me considère volontiers comme un artiste (bon ou mauvais, ce n’est pas à moi de le dire et je m’en remets aux lecteurs et aux spectateurs) et pour moi, un artiste a vocation à produire de l’art. Si, tu as les couilles de te proclamer artiste, et bien, tu as plutôt intérêt à être à la hauteur et à tenir la charge.  Je ne pense pas qu’on puisse se contenter de tremper son orteil dans l’Art. Il faut y plonger. Et cela peut s’avérer dangereux.

Vous vous considérez toujours comme un artiste indépendant ?

Tous les bons artistes sont indépendants.

Comment travaillez- vous avec Cherry Red Records ? Vous travaillez largement seul, je suppose, dans votre propre studio,… et ils vous apportent un soutien sans faille.

Je prends les albums les uns après les autres. Je leur donne l’album et ils le sortent. C’est vraiment la meilleure relation avec un label que j’aie jamais eu. 

Dans vos livres, vous avez pas mal décrit les excès liés à l’ère des majors. Hut Recordings racheté par Virgin Records puis vendu à EMI en 2004. Comment considérez-vous cette période avec le recul ? Une époque héroïque ?

Oui, c’était une période exceptionnelle. La quantité d’argent qui était balancée à l’époque dans le business ne correspondait pas à grand chose mais j’ai pris l’argent quand même et je ne me suis pas compromis. Je leur en ai donné pour leur argent, même si cela ne leur a pas permis de sauver leur peau.

Beaucoup considèrent que la situation actuelle est un retour à la normale. Il n’y a plus d’argent. Tourner est l’unique moyen qui reste pour gagner un peu d’argent. Les artistes sans le sou, c’est tellement romantique !

L’idée selon laquelle on pourrait se faire de l’argent en tournant est un mythe….

De nombreux artistes qui ont connu les années 80-90 ont du mal à s’habituer à ce nouveau statut « diminué » alors que vous semblez vous être adapté aux nouvelles conditions : bouger rapidement, composer, enregistrer, chanter. Est-ce que vous avez une discipline de travail spécifique ?

Oui, j’ai une éthique de travail très exigeante. J’aime enregistrer, écrire des chansons. J’aime peindre et écrire. C’est vraiment ce que j’aime et j’ai conscience de vivre selon le style de vie privilégiée typique d’un artiste blanc occidental.

Votre nouvel album est non conceptuel mais c’est du pur Luke Haines sur les thèmes que vous abordez : l’histoire du rock, Ulrike Meinhof, l’Anglitude, Vince Taylor. Ces thèmes vous collent à la peau depuis des années. Vous parlez des laissés pour compte, des outsiders. Morrissey avait nommé un album et un titre Maladjusted. Est-ce que vous vous « en décalage » comme lui ? Plus en adéquation.

Je ne suis pas « en décalage », « inadapté ». Je ne pense pas l’être. Je me suis constitué un monde à part à partir de la musique et d’autres choses auxquelles je consacre mon temps. D’une certaine façon, je me tiens à l’écart du monde réel. J’évite la réalité et je ne me sens donc pas comme un « outsider », quelqu’un d’extérieur aux choses. La réalité des autres personnes n’est pas du tout la mienne. Je n’ai rien à voir avec ça.

De nombreuses chansons pop parlent de se sentir misérable, spécial ou étrange (Creep de Radiohead par exemple) mais vous semblez être plus intéressés dans vos chansons par les effets qu’ont ces gens étranges sur la société que par ce que ces personnes ressentent. Je me trompe ? En cela, vous avez une vision plus politique que nombre de vos contemporains. 

L’art qui se respecte est toujours principalement politique.

L’histoire culturelle se résume ainsi souvent chez vous à une histoire construite par les personnes étranges ? Est-ce votre façon de voir les choses ?

Je viens d’un pays qui a une longue histoire et qui a traversé beaucoup de péripéties. Un pays qui en soi est devenu un endroit étrange, en partie à cause ou grâce à son passé. On ne connaît pas le futur et on ne peut évidemment que vivre au temps présent. Le passé est en revanche la seule dont on peut (ou pas) être certain et chercher à interpréter. Toutes ces choses construisent et nourrissent mon écriture.

La dimension politique de l’étrangeté, du bizarre, les effets violents qu’elle peut avoir sur la société sont au coeur de votre production depuis vos débuts. L’art apporte du dérangement et du tumulte. C’est cela ?

Je considère que l’art n’est pas si important. Mais que c’est aussi la quatrième chose la plus importante dans le monde. Les 3 autres ?…

Est-ce que « dynamiter le système » est toujours l’essence même du rock ? Vous avez l’air sceptique et ironique par rapport à ça ?

Le système auquel je fais référence est le système interne, intérieur presque. Renoncer à la pensée commune, à la pensée ordinaire et embrasser une sorte de révolution du subconscient. C’est à l’intérieur de nos têtes que doit se tenir la prochaine vague de protestation. Sur le terrain de l’inconscient, de l’intelligence.

Certaines personnes trouvent que votre fascination pour Ulrike Meinhof est « malsaine » alors que tant de gens souffrent du terrorisme et de ses conséquences. Qu’est-ce que vous leur répondez ?

Si des personnes veulent s’offusquer à ce sujet, c’est leur droit. C’est leur problème, pas le mien.

A travers vos albums, vous avez entrepris une exploration des racines de l’Angleterre en évoquant son histoire secrète, l’underground culturel. On a l’impression sur ce nouvel album que vous voulez déborder le temps et l’époque (Ritual Magick), à travers un mécanisme quasi magique qui passerait par l’histoire, les musiques anciennes, la connection avec des figures du passé. Cela renvoie aux théories psychogéographiques. C’est ce que vous appelez le Power of The Witch

En vieillissant je suis plus sensible qu’hier à l’altérité. Pas l’altérité religieuse mais j’ai pris conscience de l’existence d’anciens rituels, d’un accès à la conscience qui se ferait par de nouvelles voies. La psychogéographie, la psychologie ou la psychanalyse sont des modes de connaissances puissants qui peuvent amener à dé-vérouiller un savoir, aider à accéder au savoir caché des Anciens.

Votre démarche me semble proche de ce que fait Julian Cope ou des écrivains tels que Iain Sinclair, Michael Moorcock ou Alan Moore. Ce sont des œuvres qui vous sont familières ? 

Je viens du même territoire que Julian Cope. Nous partageons tous les deux la foi et la croyance en un certain pouvoir et une justesse du rock n’roll. Nous pensons que la musique rock est une force qui peut être mise au service du bien.

Vous pensez qu’il y a un pouvoir oublié qui réside dans les vieilles gloires telles que Vince Taylor, Marc Bolan ou le Velvet Underground ? Est-il possible de convoquer leur esprit comme vous le faites et pourquoi faire ?

Lorsque vous invoquez tous ces personnes que vous avez citées, vous faites appel aux forces supérieures du rock n’roll. C’est comme si vous appeliez à la rescousse les ancêtres, les forces disparues. C’est tout ce que nous avons en stock aujourd’hui.

Est-ce que vous pensez que le Brexit est une opportunité pour l’Angleterre de redécouvrir son Anglitude ? De se réapproprier sa culture populaire ?

Ahahah ! Je n’ai aucune de ce qu’est le Brexit ! Toute cette histoire de référendum c’est comme avoir une main factice quand on joue aux cartes. Les politiques ont vendu une donne imaginaire aux gens (et à eux-mêmes!). Et maintenant….Toute cette affaire est vraiment absurde.

Smash The System est un album grave et nostalgique. Il est moins dans la confrontation et l’ironie que nombre de vos albums précédents. Plus délicat et émouvant aussi. Plus triste que nostalgique en fait. Êtes-vous d’accord ?

En vieillissant, je pense qu’on devient à la fois plus triste, et j’espère plus… gentil. J’essaie d’être gentil désormais.

Pouvez-vous nous dire un mot au sujet de Bomber Jacket qui est une grande chanson. Comment a-t-elle été écrite ? Elle sonne vraiment comme si Luke Haines essayait de se tirer la bourre avec une version plus jeune de lui-même.Et ça marche…

Bomber Jacket est une chanson que j’ai commencé à travailler à l’époque de l’album Bootboys. Je n’ai jamais su comment la terminer et cela m’est venu ici. Il m’a fallu 20 ans pour écrire cette chanson.

After Murder Park a eu 20 ans cette année. Vous n’avez pas été tenté de fêter l’anniversaire de cet album en le revisitant titre à titre sur scène? 

Si. J’avais un agent qui organisait mes concerts et qui était obsédé par la reformation des Auteurs. J’ai dû lui répéter quelque chose comme 45 fois qu’il était hors de question pour moi de reformer le groupe. Hors de question. Et il a fini par se débarrasser de moi !

Ce nouvel album évoque T-Rex, David Bowie, la scène folk des années 70 et quelques autres. Les références musicales sont évidentes mais vous ne donnez jamais l’impression de mimer ou de singer quiconque. Est-ce qu’il vous arrive d’essayer de « sonner comme » quelqu’un ? Dans la mesure où votre musique est pleine de références, la question doit se poser parfois…cela doit être compliqué de trouver sa voie.

Non, ce n’est pas compliqué du tout. Je suis ce qu’on appelle un idiot savant. Ou, si vous préférez, un sauvage musicien… ou un musicien primitif.

Est-ce qu’on a des chances de vous voir sur scène un de ces jours ? En dehors de l’Angleterre notamment ? Vous avez l’air de privilégier aujourd’hui les concerts à la volée plutôt que les longues tournées.

Oui, j’aimerais beaucoup jouer un peu plus en dehors des Iles Britanniques. Et j’aimerais surtout pouvoir jouer à nouveau avec un groupe, remonter un vrai bon groupe.

Luke HainesLuke Haines vs The System : « I have a strong belief in the power and righteousness of rock n roll that can be used as a force for good. »

As he produced a few months ago one of English best LPs this year, Luke Haines dropped his usual habit of crafting conceptual albums to release a new and wonderful collection of (independant) songs. No more 70s wrestlers in tights, no more anti-nuclear synth-bunkers, or Mark E. Smith loony van-adventures. No more New York in the 70s or rock n’roll animal pioneers, this time it is just The man and… songs about life, Ulriche Meinhof’s brain, music, England and all the rest of the best. Whatever he sings about, there is still enough elegance, art and melody in Luke Haines to make a thousand good records. Within a decade, he will probably become British culture best apostle and Indie Rock Godfather (without pulling a single string) as he seems more and more able to embody a culture which is due to disappear : from rock n’roll guitars, to five o’clock tea, from discussing la Nouvelle Vague to a brawl at the pub, from Albion to bomber jackets, he could be the future of an endless past. Luke Haines is « malgré lui » a vivid figure of Englishness and a faithful servant of « une certaine idée de la pop ». Let’s call him a hero/genius or a dinosaur. A few months after Brexit, it was important to have a chat with the Man on A Hill, and see where History is going.

Smash The System is introduced as your first non-conceptual album since 21th Century Man/Achtung Mutha. Was it important for you this non-conceptual thing? Does it change the way you work or the way you express yourself through the songs?

I began realising that I might forget how to make a non -conceptual record if I didn’t get on and make a non- conceptual record soon!

Does it mean for you more freedom and possibilities to express yourself? 

I never feel restricted. Why would I? I only answer to myself. I really don’t know why anyone would feel artistically restricted.

Did you have in mind a “conceptual LP series” from 9 ½ meditations to British Nuclear Bunkers? Well, “let’s go. Let’s do 4 or 5 conceptual LPs in a row and see what you get”.

Yes, I did. I remember doing interviews around the time of 91/2 meditations…’ saying that I would do a series of concept albums. British Nuclear Bunkers didn’t go down that well, even though I think it’s one of my best albums. It doesn’t matter though, because at the time no one liked After Murder Park, now it’s one of the fans favourite albums – same with Off My Rocker.. .My fans always catch on. They’re smart, but I move fast.

How do you work precisely? Do you write one album after the other? Develop a concept than produce material ? Song, album….

I write the records in order. The sequence they are in is usually the order in which they are written. Always have done it that way.

British Nuclear Bunkers was for example you meeting a special instrument….. Did the nuclear theme come before or after you’ve met the right synthesizer?

No, I was experimenting with synths on the previous album NY in the 70’s. The bunkers album was an (anti)logical extension of that.

Yesterday, concept albums meant seriousness and ambition. Nowadays, people consider it more like marketing or a way to have fun. Why is that?

Concept albums used to be a dirty word – it meant prog rock. Now prog rock is held in higher regard. Also, rap and hip hop are far more conceptual than white rock music. Black music has often been ‘high concept,’ right back to Coltrane and Miles Davis – then on to Gil Scott Heron and the Last Poets.

It seems through the years you’ve reached a point where your freedom to produce new music, to record it and to make it public is almost… infinite. How have you managed this when everyone is complaining about low sales, indie label collapsing or being too shy, lack of money, etc ?

Well, I consider myself to be an artist (whether I’m a good artist or a bad artist is the readers choice) and artist’s keep on producing art. But, if you do have the balls to call yourself an artist, you’d better back it up. Art is not something you can just dip your toe into. It’s dangerous stuff.

Do you consider yourself an independent artist?

All good artists are independent.

How do you function with Cherry Red Records? What’s the deal? I guess you work mainly alone, on your own studio… Is it you’ve managed to produce such music at a very low cost?

I just work album by album. I give ’em the album and they put it out. It’s been the best label relationship i’ve ever had.

In your books, you described the excesses of the past “major label” era, Hut being part of Virgin records then sold to EMI (round 2004, is that it?). How do you contemplate this period from nowadays perspective? Do you consider yourself lucky to have lived through this strange period of time?

Yes, this was a great time. I knew the amounts of money being thrown around were bullshit but I took the cash anyway, and I didn’t compromise. I gave good value if not good return.

Some consider today’s situation as a return to normality. No money left. Touring as a way of earning a bit of money. Isn’t the new economy just an echo of the past? Back to the menestrels and bohemians times? Artists without a penny…. It so romantic!

The idea that you can tour and make money is a myth…

It seems some artists from the 80-90s have difficulties to adapt to this new “diminished” status whereas some like you have adapted themselves: move quick, compose, record, sing. You’ve always been a prolific songwriter. Have you got a work (athl)ethics to protect you ? I have a pretty strong work ethic. I really like recording and writing songs and painting and writing. All that stuff. I live the  priviledged life style of the white artist.

The new LP is non conceptual indeed. But it is “pure Luke Haines” as themes are considered: rock history, Ulrike Meinhof, Englishness… and Vince Taylor. Those themes are still close to the bone through the years. You are still wondering about what it means to be an outsider? An outcast? Morrissey had a song about that (a thousand songs…): do you feel maladjusted yourself? In which way? 

I’m not maladjusted, I don’t think. I’ve created my own world out of music and other things that I do, I avoid reality so I don’t feel like an outsider. Other people’s reality is nothing to do with me.

Many songs deal with being miserable, strange and special (let’s say Creep from Radiohead) but you are mostly interested by the effects this very strangeness has on society and people than by strangeness itself. Am I wrong? You are more political than most of the writers.

All good art is broadly political.

Cultural history seems, to you, to be mostly an illustrated (and musical) history of strange people? Do you see things like this?

I come from a country that has a long history and has been through a lot and is in quite a strange place right now, due to its past. We don’t know the future, we can only live in the present, so the past is the only thing we may (or may not) be certain about. This is what informs my writing.

The political dimension of strangeness, its violent effects are at the core of your production, since almost the beginning. Art brings disturbance and turmoil. Is that it?

I would say that art is not that important. It is also the fourth most important thing in the world.

Is “smashing the system” still the essence of rock n’roll music? You seem a bit dubious and ironical about it sometime?

The System I am talking about is the internal system – breaking out of ordinary thought and embracing a subconscious revolution, this is where the next wave of protest will be carried out – on the battle-field of the subconscious.

Some people find your fascination for Ulrike Meinhof a bit “unhealthy” when people are suffering again from terrorism and its consequences. What can you tell them?

If people want to take offence then that’s up to them. It’s their problem not mine.

Through your Lps, you seem to explore English roots by evoking a secret underground geography, a secret history…. We have this impression on the new LP you want to “outlive time” (Ritual Magick) through an almost magical process which goes through history, old music and characters…. Psychogeographical stuff to my ears….  Is that what you call the Power of The Witch?

As I get older I have a much stronger sense of ‘otherness’, not religious, but an awareness of ancient rituals…psychogeography and psychology or the human psyche are a powerful cipher, and will unlock the hidden knowledge of the ancients.

Your art is not dissimilar to Julian Cope’s conception on the musical ground or maybe to some British writers’ work such as Iain Sinclair, Michael Moorcock or even Moore. Are they artists you have read and feel familiar with?

I think I am coming from a similar place as Julian Cope – we both have a strong belief in the power and righteousness of rock n roll that can be used as a force for good.

Do you think there is still a power within past glories such as Vince Taylor, Marc Bolan or the Velvet Underground? What can we expect from convoking their spirit and lives as you do?

Whenever you invoke any of the above you are conjuring higher forces of rock n roll. It’s the same as summoning the ancients. It’s all we have.

Do you think Brexit could be an opportunity for England to rediscover its Englishness? To explore back its popular culture?

Hahaha. I have no idea what ‘Brexit’ is. Basically the whole referendum was the equal to the dummy hand in cards. Politicians ‘sold’ the dummy to the public (and to themselves) The whole thing was meaningless.

Smash The System is full of nostalgia and gravity. It is less confrontational or ironical than some of your past Lps. More delicate and emotive. Sadder than nostalgic. Do you see things like this?

As you get older I think you get sadder, and hopefully kinder. I try to be kind these days.

Can you tell us a word about Bomber Jacket which is a wonderful song. What is it about? How do you come with a song like this? It sounds like Luke Haines emulating his younger self ! and it works….

Bomber Jacket was a song a started round the Bootboys era. I didn’t know how to finish it…it took me almost 20 years.

By the way, After Murder Park is 20 year old this year. Haven’t you been tented to celebrate this birthday with a track by track album concert?

Yes. I had a live agent who was obsessed with me reforming the Auteurs. After telling him for the 45th time that the Auteurs would never reform he got rid of me!

Musically, the LP brings memories from T-Rex, David Bowie, old folk scene and a few others but you never mime any genre or person. What is your approach to invest a singular type of writing? Brings me back to how you work. Do you reject songs because they would sound too much like, for example, David Bowie or too Bolanesque….? Do you sometime, on the contrary, try to “sound like” anyone? Your art seems so full of cultural references or subtexts, I imagine it can be complicated for you to find your own way…

It’s not complicated at all. I’m an idiot savant. Or you could say i’m a musical primitive…

Will we have the chance to see you on stage soon? I mean outside the UK. You seem to fancy more “one shot” gig than long tours ? Is it still true ?

Yes, I’d like to play more outside the UK. I’d like to play with a band – get a really good band together.

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Le site de Luke Haines

Lire aussi :
Luke Haines & Peter Buck / All The Kids Are Super Bummed Out [Cherry Red Records]

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