Maserati détonne. Qu’attendre d’autre d’un groupe qui se donne pour patronyme celui d’une marque de voiture de sport italienne? Une certaine idée de l’usage de testostérone en milieu musical peut-être. Mais alors, à bien y regarder, Maserati, ce sont aussi des voitures plutôt luxueuses et raffinées. L’affaire serait donc plus complexe qu’il n’y parait? De toute évidence. A l’image des artworks des derniers albums du groupe, celui-ci ne faisant pas exception, qui créent une identité visuelle où le tape-à-l’œil (ici un effet métallisé) se dispute à une véritable recherche graphique et esthétique résolument moderne. Enter The Mirror, 7ème album des georgiens d’Athens fait donc, comme la plupart de ses prédécesseurs, dans une certaine nuance.
Si la rythmique XXL et les guitares acérées sont toujours omniprésentes, constituant le cœur de l’œuvre du groupe, Maserati continue à explorer sans honte aucune à grand renfort d’électronique les tréfonds d’un rock progressif qui aurait troqué ses oripeaux hippies pour des atours plus sombres, plus froids, plus brutaux, comme une exploration aux confins de la galaxie où les comètes Tangerine Dream et Neu finiraient par se retrouver une bonne fois pour toute autour de la folie rythmique de Can. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’expérience est loin d’être monotone et si Maserati maitrise bien une chose, ce sont ces changements perpétuels d’ambiances, variations subtiles ou brutales, ciselées ou plus grossières qui à elles-seules font «le son» Maserati. Quoi de commun entre l’introduction supra-galactique de 2020 (l’odyssée de l’espace revisitée) en introduction et le Wallwalker (Texas Ranger?) de conclusion taillée pour les auto-radios de sourdingues lancés sur les routes rectilignes du grand ouest? Pas grand-chose a-priori, si ce n’est cette intangible envie de surprendre, de dérouter. Maserati n’a peur de rien, même pas de lancer en plein cœur d’une chevauchée motorisée un chorus funky déhanché qui agit comme un bouton «boost» sur le tableau de bord d’une Knight Industries Two Thousand et transforme littéralement un morceau noisy-prog anodin en bombe pour piste de danse.
Entre ces deux extrêmes, l’album qui a le mérite d’une certaine concision (pas toujours gagné quand on se frotte au genre progressif), évite très largement de susciter l’ennui mais navigue parfois en pilotage automatique. Pas rédhibitoire pour le fan convaincu ou le novice, plus dérangeant pour qui verra dans ces nouveaux titres un air de déjà entendu quelque peu encombrant. Longtemps situé au jeu des comparaisons aussi faciles que parfois hâtives aux pieds du dieu Trans Am (tiens, encore des bagnoles), Maserati n’en a jamais semblé aussi proche que sur ce disque et c’est parfois un drôle de reflet que renvoie Enter The Mirror. La faute en premier lieu à l’excès de vocoder, l’arme fatale de ceux qui pensaient avoir tué le chanteur depuis des années et qui, finalement, ont aussi des choses à dire. La faute aussi à une production rêche et sourde sur des morceaux comme Killing Time ou Der Honig qui s’apparenteraient presque à un vibrant hommage à l’essentiel Surrender To The Night. La faute enfin à des années 1980 posées sur le même piédestal que sur Futureworld sur lequel Welcome To The Other Side ou Empty n’aurait pas dépareillée. Alors c’est ennuyeux, certes, mais cela ne doit pas gâcher le plaisir épidermique, quasi bestial que procure l’écoute de ces morceaux.
Enter The Mirror ne marquera sans doute pas plus que ça les esprits, même chez les fans qui lui préféreront certainement le séminal Pyramid Of The Sun ou le gargantuesque VII mais en ces temps de retour à la vie d’avant, s’il fallait un disque pour se défouler, éventuellement en s’en foutant complétement de son bilan carbone, celui-ci est tout à fait recommandable.