The Fall / Post TLC Reformation
[Cherry Red Records]

9.3 Note de l'auteur
9.3

The Fall - Post TLC ReformationIl n’est pas tout à fait certain que le disque ait eu la même allure avec ma grand-mère dessus. Mais il faut rendre à Mark E. Smith ce qui appartient à Mark E. Smith : c’est sa présence, l’intensité de sa livraison, sa hargne, son courage et son caractère qui font de cet album de The Fall sorti en 2007 et de sa réédition Deluxe un petit monument à l’échelle du groupe. Cherry Red Records a mis les petits plats dans les grands avec un livret de 20 pages et 4 CDs pleins regroupant l’album original , deux disques de Rough mixes, singles et versions alternatives magnifiques, et, pour terminer la pièce de choix, le live donné à l’Hammersmith Palais, salle mythique s’il en est, à quelques heures de sa fermeture.

On ne reviendra pas dans le détail sur les quatre disques mais réécouter ainsi Reformation ! Post TLC, devenu « dans l’autre sens », Post TLC, Reformation ! pour cette édition, à douze ou treize ans de distance est un choc. The Fall a sorti un an et demi avant un album majeur Fall Heads Roll, quand on apprend par Internet que lors de scènes surréalistes, Mark E. Smith a poursuivi un membre du groupe d’ouverture pour se battre avec lui sur le parking pendant un concert américain puis a abandonné (ou s’est fait abandonner) par la quasi totalité de son groupe en rase campagne. Avant ça, le Mancunien avait tenté de planter le batteur Spencer Bristwistle avec un tournevis. Seul aux Etats-Unis. Que pensez-vous qu’il eut fait ? Annuler quelques dates ? Enrôler sur le champ plutôt un groupe nouveau avec l’aide du label américain Narnack. Smith garde sa femme, Elena, et intègre Tim Presley, Rob Barbato et Orpheo Mc Cord. De retour en Angleterre après la tournée, les Américains s’éclipsent pour suivre d’autres engagements mais y revienne tandis que le groupe s’élargit et intègre Spurr à la basse et Greenway à la guitare. Melling prend la batterie, si bien que Smith se retrouve avec un groupe qui comprend maintenant avec Spurr et Barbato, d’un côté, Mc Cord et Melling, une double basse et une double batterie qui forment le cocktail gagnant des concerts à venir.

Smith reprend très vite en studio les pièces qu’il avait composées avec l’ancien groupe. Il se retrouve incroyablement à l’aise avec ces Américains qu’il connaît à peine et qui ne demandent rien d’autre que d’être payés à temps et de pouvoir prendre quelques bières au pub. L’aventure durera étonnamment une dizaine d’années, offrant au groupe l’une de ses formations les plus stables et les plus solides. Il faut dire que l’album original est une tuerie, offensive, rageuse, sans doute écrite la revanche aux lèvres par un Smith qui n’avait de cesse que de venger l’injure faite à son génie par les autres membres du groupe. « Si je lâchais la grappe à n’importe quel musicien pendant qu’on enregistre, avait-il dit l’année précédente, on finirait par sonner que ces enculés de Franz Ferdinand ou de Lloyd Cole. »

Pas de danger ici. Reformation Post TLC (rappelons que TLC signifie « thieving lying cunts » ou « traitors, liars, cunts » au choix) démarre pied au plancher avec un Over! Over! tonitruant et qui pointe l’Amérique du doigt. Reformation! le morceau est une réussite incroyable qui s’étire sur 7 minutes d’un déluge sonique et de grondements. C’est une charge contre les anciens membres du groupe mais aussi une parodie de ce qui se fait alors partout ailleurs en manière de reformations de groupe. Smith clame l’originalité de son approche et s’illustre ensuite sur un Fall Sound qui crache sur le passé et les années 80 pour contempler l’avenir. « Fall sound, no laptop wankers overground with Fall Sounds« , grogne-t-il. Sur White Line Fever, le chanteur montre qu’il sait chanter et peut attraper (ou presque) une note en élevant la voix. C’est du grand art et aussi du grand n’importe quoi. Reformation Post TLC, comme tous les grands albums de The Fall, n’est pas parfait. Insult Song se présente comme un exercice de vocalises assez hasardeux mais que les membres du groupe plébiscitent au point qu’il franchira le cut. Smith agit dans la précipitation. Il expérimente. Il court, marche, vole. Das Boat est un morceau drone. The Wright Stuff chanté par son épouse est une sorte de retour sur sa vie et sa carrière qui préfigure l’excellent 50 year old Man qui viendra par la suite. C’est un festival formidablement joué qui s’achève avec le terrible Systematic Abuse, une ode sans cesse renouvelée à la redite et à la répétition.

L’intérêt des disques 2 et 3 est manifeste. On peut saisir la façon dont travaille le groupe, la manière chaotique et hasardeuse avec laquelle le matériau est répété, trituré, nettoyé, coupé pour donner, lorsque la bande se coupe, un produit fini qui n’est jamais que la version arrêtée à ce moment là. Smith semble écouter dans l’ombre, attendre son heure pour entrer dans l’arène et tenter de surprendre le groupe. On sent ici l’instabilité des rapports humains, la domination du leader, la crainte et en même temps l’effervescence créative. Les versions sont décharnées ou plus souvent lestées de passage en trop que Smith retaillera et fera tomber comme du mauvais gras pour les versions studio et avec une sévérité accrue encore sur scène, où ne reste souvent des morceaux que la substantifique moëlle : l’accord de basse, le riff principal, la rythmique élémentaire. The Fall est un groupe qui se suffit de peu et qui ne se présente jamais que sur l’essentiel. Il faut une exigence de tous les instants pour ne pas sombrer dans la virtuosité ou la technique, ne pas surexprimer ou enjoliver. C’est ce qui fait la singularité du groupe.

Le live à l’Hammersmith Palais (dernier concert historique dans cette salle légendaire) est formidable à cet égard. Smith a été critiqué alors pour avoir refusé le sentimentalisme et ne pas avoir eu un mot « gentil » ou exprimé une émotion vis à vis des lieux qui se fermaient définitivement après lui. Rétrospectivement, on voit bien ce que cette attitude avait de punk et de vérité. Sans doute valait-il mieux laisser la musique résonner contre les murs, les fracasser et les électriser une dernière fois plutôt que de susciter une larme factice et attendue. Les murs ne comptent pas plus que les hommes. Tout ceci n’est là que pour produire et accueillir ce qui compte : la musique. La musique, par dessus tout. C’est la leçon de ce disque comme des autres albums majeurs de The Fall. Il n’y a rien d’autre que les chansons. Rien d’autre que l’instant présent. Le futur n’existe pas pour un tel groupe. Le passé n’existe plus.

Tracklist

Disc 1

01. Over ! Over !
02. Reformation !
03. Fall Sound
04. White Line Fever
05. Insult Song
06. My Door Is Never…
07. Coach and Horses
08. The Usher
09. The Wright Stuff
10. Scenario
11. Das Boat
12. The Bad Stuff
13. Systematic Abuse
14. Outro

Disc 2

01. Reformation ! (uncut)
02. Over! Over! (rough mix)
03. My Door is Never (rough mix)
04. Reformation! (edit)
05. Insult Song
06. Reformation!
07. The Wright Stuff
08. Das Boat
09. Fall Sound
10. Onto Insanity

Disc 3

01. Early Rough mixes 2006
02. Song 2/3 with tape of the tour manager
03. The Boss
04. 60’s Wack
05. The Vine
06. Blonde
07. Over! Over!
08. Reformation!
09. Get Out
10. Scenario
11. Wed 2
12. Systematic Abuse
13. The Wright Stuff

Disc 4

Live at Hammersmith Palais, April 1. 2007

01. Senior Twilight Stock Replacer
02. Pacifying Joint
03. Fall Sound
04. Over! Over!
05. Theme From Sparta FC
06. Hungry Freaks, Daddy
07. Wrong Place, Right Time
08. My Door is Never
09. The Wright Stuff
10. White Lightning
11. Blindness
12. Reformation!

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