Il nous tarde de retrouver Jimmy Polioudis et ses Vagina Lips. Mais le chanteur de Thessalonique semble passer un peu plus de temps ces derniers mois sur son projet chanté en grec qui est un peu moins typé synth-pop et gothique que sa franchise anglophone.
Mazoha (c’est le nom de ce second groupe) est en train de rencontrer un certain écho en Grèce pour son engagement et sa capacité à exprimer de manière folk, mélancolique la colère (quasi punk, mais hautement tragique) qui s’est emparée des classes moyennes et populaires suite au déclassement économique et social de leur pays. C’est autour de cette blessure morale et physique que Mazoha a construit son nouvel EP, 5 titres, intitulé Χανζαπλάστ qui signifie tout simplement Hansaplast (pansement).
Le EP est très folk, très dylanien dans l’âme, démarré à la guitare sèche sur un premier titre assez bouleversant Θα Ζήσουμε Για Πάντα qui signifie « Je vivrai éternellement« . Deux amants discutent de quitter la Grèce. Ils s’évadent par l’esprit mais se rendent compte que ce n’était qu’un rêve. Ils s’apitoient sur leur condition difficile, amoureux mais plombés par la vie alors que leur jeunesse (j’ai plus de quarante ans maintenant/ tu m’as dit que nous vivrions éternellement/ que tu ferais n’importe quoi pour moi/ ce n’était qu’un rêve) s’évapore sous leurs yeux. Le chant de Polioudis est d’une justesse bouleversante, tissant un lien entre cette balade folk et les grands morceaux romantiques et gothiques du rock international (on pense à Cure pour le thème).
Sur la chanson suivante, le narrateur souffre de stress post-traumatique et hurle sa douleur en se lamentant d’avoir touché le fond. Après avoir trouvé un peu de tendresse et de réconfort auprès de Η Γάτα Μου/ Mon chat, la déprime revient au galop sur le titre suivant qui semble être un appel à se réunir et à retrouver l’espoir dans… la mort. « je suis parti au loin, dans ma tête, déjà depuis longtemps », chante Polioudis, comme s’il n’y avait plus aucun réconfort à trouver sur terre. Le dernier titre est le plus noir, le plus sombre et celui qui se rapproche le plus des meilleures pièces de l’artiste. La basse est de retour et emmène cette longue plainte titrée ironiquement Mon Entreprise dans un registre post-punk où la solitude et la folie sont au cœur des paroles. Comment va se terminer tout ce gâchis ? Quand sortirons-nous des ténèbres ?
On l’aura compris, il vaut mieux ne pas comprendre le Grec si on ne veut pas ressortir de l’écoute de ce EP magnifique et à la densité émotionnelle étouffante avec la tête dans le sac et l’envie d’en finir. Mazoha n’a jamais été aussi sombre, ténébreux et paradoxalement séduisant que sur ces cinq morceaux. Là où son précédent album s’engageait plus nettement dans une colère politique et l’envie d’en découvre, celui-ci s’intéresse aux symptômes de la crise sur le moral des troupes. C’est un mini-album de dépression, intime et bouleversant mais aussi très agréable à écouter.
Sortez les briquets et les mouchoirs : l’indie-folk est de retour !
Lire aussi :
Mazoha / Βεντάλιες και Σιδερογροθιές
Mazoha / Τώρα Χορός