Champions du monde du beatmaking, les Français n’en finissent pas, dans ce domaine aussi pointu que l’aérospatiale, d’en remontrer à la concurrence internationale. Le duo Mind The Beatz, et couple à la ville, composé de ZOËN et FYSH en offre une nouvelle démonstration avec cette bande-son imaginaire impeccable, variée et qui témoigne d’une réelle maestria dans la création d’ambiances, de climats et d’univers originaux. Nights Cuts, c’est peut-être sa seule faiblesse, n’évolue pas dans un monde fermé et aux références homogènes. La musique passe du coq à l’âne mais travaille principalement dans un contexte référentiel qu’on dira, par défaut, américain marqué par des scratches et des sonorités hip-hop. On y trouve aussi des séquences nostalgiques et rétro à l’image d’un French Connection qui marie la virtuosité d’un Kid Koala, une rythmique hip-hop et des arrangements à la Michel Legrand. On retrouve ce cocktail (jeu de mots) sur l’excellent Russe Blanc, l’un des morceaux les plus réussis du disque.
La musique des deux artistes, l’un aux beats, l’autre à aux platines, ressemble comme deux gouttes d’eau à la démarche artistique de leur voisin Senbeï. On y retrouve le même dynamisme, la même science du cut et une forme d’instabilité qui procure un plaisir intellectuel immense. La sensation d’effectuer le tour du monde en musique est aussi palpable, au fur et à mesure que les compères enrichissent la texture de motifs world et d’instruments évoquant tel ou tel pays. Pad Thaï revendique des influences orientales. Nights Cuts est un disque de voyage, à la légèreté et à la précision redoutables. On touche au sublime, sans démonstration, sur Seventy Seven, dans une ambiance ouatée, jazzy et trip-hop à la fois. Sugar Street Part 1. incorpore ce qui ressemble à un oud et un chant en vocalises venu du Maghreb. Pour un premier album, Mind The Beatz n’est jamais à la recherche de l’effet facile ou du parti pris spectaculaire. Cela pourra en déconcerter certains qui préfèrent les big beats et les rebonds d’évidence, mais on est ici dans une dentelle qui s’apprécie au casque ou en ayant le nez dessus. Surveiller et Punir utilise un audacieux sample qui aurait pu être de Michel Foucault. Le groupe l’enchaîne sur un titre plus pop, Yesterday, qui est le seul du disque à évoquer ouvertement la tristesse et la nostalgie.
On s’arrêtera sur la beauté suggestive de Moon et l’efficace Mystery avant de refermer le rideau de velours. Nights Club est un quasi sans faute qui manque peut-être à certains moments de dramaturgie et d’impact, mais un formidable disque d’atmosphère, dont la capacité à vous transporter ailleurs et à vous trimballer d’un endroit à l’autre de la planète musicale n’a guère d’équivalent en dehors d’un… James Bond ou d’un Tour du Monde en 80 minutes. Nul besoin de souligner, par les temps qui courent, qu’une invitation au voyage n’a pas de prix.