Les grincheux diront qu’avec ce Out In The Dark, l’Israélien Magon a signé rien moins que l’album le plus cabotin et agaçant de l’année et ils n’auront qu’à demi tort. Il y a dans ces douze morceaux cette idée que la musique d’aujourd’hui pourrait se permettre de piocher dans le bréviaire d’hier (un brin d’énergie punk, un poil de rock progressif, des sonorités pop et une pincée de sel de céléri) et de la réassaisonner pour fonctionner qui heurte notre conception d’un incessant renouvellement des talents et des genres. Magon fait du rock comme s’il préparait son examen de septième année et qu’on lui avait promis à la clé un emploi en vue sur Nrj indé. Les riffs de guitares sont bien placés, la rythmique est suffisamment appuyée pour ne pas être accusée d’être mollassonne mais toujours suffisamment sautillante pour ne pas passer pour déprimante ou gavante. Il y a beaucoup d’application et sûrement des heures et des heures de bachotage. Mais il faut avouer qu’on s’ennuie un peu comme si le groupe, à quelques exceptions près, était incapable de nous brutaliser ou de nous surprendre.
Sans doute est-on plus dur avec le groupe que Magon ne le mériterait. Si King of Nothing et Thinking of You, les deux chansons qui ouvrent le disque ne présentent pas un immense intérêt, le Same House qui suit est un excellent morceau, enlevé et intelligent, doté d’un formidable final. Third Dimensional Love est affecté mais inefficace : l’intro sonne comme une chute de studio des Pixies puis les guitares de Sonic Youth prennent le relais. Pour quel résultat ? C’est là que le bas blesse. Le groupe ne fait absolument rien de ses attributs et laisse le morceau s’achever dans l’indifférence générale. Est-ce un manque d’inspiration ou de conviction ? Les chansons promettent parfois mais se contentent presque toujours d’aligner des bribes de discours indé qu’on a pu croiser ailleurs, sans leur faire dire quoi que ce soit. Le chant lui-même n’est pas désagréable mais ne semble pas forcément concerné au plus au moins par ce qu’il raconte. Les attaques ne sont pas assez incisives comme si la simple idée d’être cool et de sonner comme tel suffisait à justifier le projet. On finit par s’ennuyer et écouter l’ensemble avec indifférence. S’il y avait des pizzérias indépendantes, Out in The Dark leur fournirait une musique d’ambiance parfaite : familière, agréable, habile aussi, mais globalement incapable de faire autre chose qu’illustrer, radoter et sonner comme un truc ramené du passé dans notre époque, où il n’a pas sa place. It’s Love est une plaie à laquelle il est impossible de croire, My Reflexion une caricature (« i’m sniffing Coca Cola ») et Out In The Dark, un morceau qui fait passer Cannibale pour les Beatles.
On peut écouter Magon bien sûr. C’est comme prendre une assurance tous risques, un abonnement prestige dans un cercle d’amateurs de cigares ou un siège à vie pour le mainstream. On peut aussi ne pas le faire.
02. Thinking of You
03. Same House
04. Third Dimensional Love
05. Landslide
06. Song for Nimrod
07. The Streets
08. It’s Love
09. In The Library
10. My Reflection
11. Out in the Dark
12. Shock Therapy