En 1989, l’actrice canadienne Gabrielle Lazure sortait un OVNI folk nommé Out Of The Blue. Disque marquant, bien que trop discret, qui n’envisageait l’épure instrumentale qu’à seule fin de jouer sur les silences, les possibilités harmoniques ou l’intimité d’une voix douce. Pauline Drand, depuis ses débuts, nous rappelle l’album de Gabrielle : une voix impériale, certes, mais qui ne cherche jamais à bousculer l’auditeur. Il s’agit, à chaque écoute d’une chanson de Pauline, de se sentir chez soi. Plus encore : d’y trouver du baume au cœur. Sans doute car, telle Aldous Harding, Pauline Drand ne croit guère aux étiquettes. Musique folk ? Pas vraiment. Trop d’ouvertures musicales, trop d’envies personnelles, refus catégorique de s’agripper à un territoire cadenassé ou à un état d’esprit tout blanc / tout noir.
Faits Bleus, premier album de la dame, risque fortement de squatter les référendums de fin d’année (comme Aldous Harding en 2017, aucun hasard). Car si l’on repère ici des ombres Barbara ou Breut, c’est vers le chant ou les champs du possible qu’invite Pauline Drand. Tout est permis, tout s’envisage : orchestration Vannier / Colombier, pop acoustique, comptine amère, exotisme inattendu, voix effleurée comme vindicative… Et si Faits Bleus se perçoit souvent comme un recueil de nouvelles musicales (dont certaines que nous connaissions déjà), l’inattendue relie entre elles ces douze chansons nomades, loin de la France, loin des territoires assimilés.
« Je te parle d’un monde qui n’existe plus », prévient Pauline sur le titre Les Vaincus. Et en effet : ce romantisme blessé mais lucide, on ne le rencontre jamais dans la pop française (il faut remonter au Daho de Pour Nos Vies Martiennes). Amour blessé léger, fêlures distanciées, pas question de se morfondre ou de tirer l’ensemble vers une sensation longiligne. Ni haut, ni bas, mais fragile, oui (avec retenu, chuchotements).
« I See Beauty » titrait en 2016 Pauline lors de son EP hommage à Karen Dalton. Eh bien, chère Pauline, sache que ton album est le plus réconfortant, le plus humain, tendre et bouleversant que j’eus l’occasion d’entendre en France depuis ce début d’année. La beauté, elle est chez toi. Si Gainsbourg Serge était encore de ce monde, il te contacterait franco, admiratif après écoute de Faits Bleus, pour te proposer de mettre en musique la suite de ton parcours.
Sortie digitale prévue le 13 août 2018.
J’aurais bien écouté l’album voire plus si affinité mais je ne le trouve nulle part sur le Web. Très mystérieux.
Bonjour Li-An, on ne l’a pas précisé mais il y a une sortie digitale prévue le 13 août.
Merci pour la précision. Je vais noter ça quelque part.