Une année de plus et combien d’albums jetés aux oubliettes d’une époque impitoyable pour les petites cylindrées, époque éparpillée où même entre amateurs de musique il devient de plus en plus difficile de communiquer et de s’échanger de la musique. L’accès facilité aux disques, petits comme grands, nous amène progressivement, et individuellement, à nous recroqueviller chacun dans notre petit bunker paradis personnel où, avec autant de dévotion et de certitudes que par le passé, on gravit notre propre échelle du goût. La production est si profuse qu’il y aura bientôt un artiste préféré pour chacun, des disques, pourtant précieux, qui ne s’écouleront qu’à quelques dizaines d’exemplaires. La critique musicale, dans cet espace ténu où l’espace de discussion entre les passionnés est paradoxalement réduit faute de territoire commun, résiste malgré tout, convaincue de son bien-fondé et de pouvoir encore jouer son rôle : faire découvrir, rendre compte, enchanter et vanter les qualités de tel ou tel, passeur de plus en plus modeste mais entremetteur nécessaire. Nos enthousiasmes ont été nombreux, sincères, nourris par des disques, des prestations sur scène, des rencontres, des interviews, des images : tout ce qui fait l’ordinaire d’une passion consacrée à laisser traîner l’oreille partout et à la poser sur des musiques de tous bords. Nous avons vibré pour du rock grec, du rock américain, du jazz, un peu de musique classique, de la pop, du hip-hop, des machins qu’on n’est même pas capable de décrire et tout cela dans un même élan.
Le classement de fin d’année n’a pas d’autres vertus que de dessiner, assez mal et un peu artificiellement, cet endroit où l’on se rencontre encore, ce petit coin d’espace discographique où les goûts s’accordent et où un sourire partagé, une tête qui dodeline ou une larme à l’œil trahissent l’émotion commune et ce moment précis où l’amitié se conforte autour d’un disque, d’une chanson. C’est ce moment précis qui est l’épicentre de notre année musicale et la raison d’être de tout ce bazar. « Plus personne n’achète de disques aujourd’hui. » Soit. « Personne ne connaît les trucs dont vous parlez. » Et alors ? Ce n’est pas parce que toutes ces choses n’existent PRESQUE plus qu’elles ne sont pas les plus importantes du monde.
2017 n’aura pas été une année de têtes d’affiche. Les grands retours (Ride, Jesus and Mary Chain, U2, Flaming Lips, Morrissey, etc) n’ont pas évolué au niveau où on les espérait, même s’ils ont tous ou presque réussi à sauver l’honneur. Certains, venus de loin (Pere Ubu, Flotation Toy Warning) ou d’à côté (Matthieu Malon, Tristesse Contemporaine, Klub des Loosers, etc) ont confirmé et tout simplement réalisé les disques qu’on pouvait attendre d’eux : inspirés et audacieux, pleins d’envie et de surprises. Ces valeurs sûres ont constitué le ciment d’une année à la fois riche et plus rock que les années précédentes. Pour la deuxième année consécutive, les machines marquent le pas dans notre hiérarchie des goûts. Est-ce l’âge qui vient et avec lui un appétit d’anciens pour les guitares et la simplicité ? Toujours est-il qu’à quelques exceptions près (des échos hip hop, électro ou jazz), il y a rarement eu année aussi « traditionnelle ». Surf music, shoegaze, post-punk sur le tard, garage, synth-pop déviante, les mouvements qui avaient coloré les années précédentes se prolongent en 2017, sans qu’aucun ne domine vraiment.
Ce qui aura marqué l’année, évidemment, ce sont les découvertes, les OVNIS, ceux qui venaient de nulle part et qu’on n’attendait pas vraiment, ces disques surgis dans les autoradios, dans les chambres et qui s’incrustent et deviennent soudainement indispensables. The Molochs, Aldous Harding, Girl Ray, Pale Honey : la liste est longue et définit autant d’enchantements, de transports et d’émotions qu’on ne rendrait pour rien au monde. On a beau pester contre le cours des choses, le business de la musique et l’injustice qui le gouverne : les disques sont là et on n’a souvent pas assez d’oreilles pour les écouter chanter, pas assez de bras pour en faire état. La vie quoi…
Top Albums 2017
06. Piano Magic – Closure
Top Albums de Benjamin Berton
01. The Molochs – America’s Velvet Glory
02. Tristesse Contemporaine – Stop and Start
03. Surfer Blood – Snowdonia
04. Al Tarba – La Nuit se Lève
05. Matthieu Malon – Désamour
06. Aldous Harding – Party
07. Wild Arrows – Dreamlike Dream
08. Klub des Loosers – Le chat et autres Histoires
09. Pale Honey – Devotion
10. Peter Silberman – Impermanence
11. Peter Perrett – How The West Was Won
12. Pere Ubu – 20 Years In A Montana Missile Silo
13. Flotation Toy Warning – The Machine That Made Us
14. Public Service Broadcasting – Every Valley
15. Girl Ray – Earl Grey
Top chansons de Benjamin Berton
01. Klub des Loosers – Le bouquet
02. Peter Perrett – Take Me Home
03. Scalper – Want
04. Babybird – King of Nothing
05. Ian Svenonius – I Dont Remember You
06. Tennis Club – Birthday
07. Morrissey – I Wish You Lonely
08. Beach Youth – Days
09. My Own Ghosts – Lonely Weeks of Mine
10. Rocket Mike – Hallelujah
11. Heads Off – No Fucks Given
12. Grandaddy – That’s What You Get From Gettin Outta Bed
13. Cannibale – Hidden Wealth
14. Bonnie Prince Billy – I Always Get Lucky With You
15. Traditional Monsters – Push The Panic Button
Top albums de Denis Frelat
01. Pale Honey – Devotion
02. Cymbals – Light In Your Mind
03. Portico Quartet – Art In The Age Of Automation
04. The New Year – Snow
05. Fujiya & Miyagi – st
06. Jane Weaver – Modern Kosmology
07. Kevin Morby – City Music
08. Death Of Lovers – Acrobat
09. SOHN – Rennen
10. LCD Soundsystem – American Dream
11. Fufanu – Sports
12. Cigarettes After Sex – st
13. Shout Out Louds – Ease My Mind
14. Moinho – Elastikanimal
15. Piano Magic – Closure
Top chansons de Denis Frelat
01. Shout Out Louds – Jumbo Jet
02. Jane Weaver – Did You See Butterflies
03. Pale Honey – Lesson Learned
04. Mogwai – Coolverine
05. Happyness – Fallin Down
06. Beach Fossils – Be Nothing
07. Lød – Så Blå
08. Sophia – Resisting – live at Handelsbeurs, Gent, 24.03.2017
09. Lali Puna – Two Windows
10. Ride – Cali
Top albums de Jean Thooris
01. Aldous Harding – Party
02. Churros Batiment – Couteau
03. Matthieu Malon – Désamour
04. Pierre & Bastien – Musique Grecque
05. Breaking the Wave – Dead Killer Story
06. Yasmine Hamdan – Al Jamilat
07. Raymonde Howard – S.W.E.A.T
08. Centredumonde – Rêvons plus sombre
09. Equipe de Foot – Chantal
10. Marilyn Manson – Heaven Upside Down
11. Shannon Wright – Division
12. Roseland – Behind the Walls
13. Sparkling – This Is Not The Paradise They Told Us We Would Live In
14. Michel Cloup & Béatrice Utrilla – Etats des lieux intérieurs
15. Spitzer – Loose Cannons
Top Chansons de Jean Thooris
01. Aldous Harding – Imagining My Man
02. « The » Nine Inch Nails in Twin Peaks – She’s Gone Away
03. Chromatics in Twin Peaks – Saturday
04. La Pietà – J’aime pas les gens
05. Pierre & Bastien – Mitterrand
06. Dinner – Siren Song
07. Kill Your Boyfriend – Ulrich
08. Kamarad – Poème d’amour pour Kim G.
09. Animal Youth – Feeling
10. NadjaNoise – Moonlight Lemon
Top albums de David B
01. Aldous Harding – Party
02. Hater – You Tried
03. Breaking the Wave – Dead Killer Story
04. Matthieu Malon – Désamour
05. Charlotte Gainsbourg – Rest
06. Julien Baker– Turn Out the Lights
07. Granddady – Last Place
08. The National – Sleep Well Beast
09. Slowdive – Slowdive
10. Morrissey – Low In High School
11. Cigarettes After Sex – st
12. Piano Magic – Closure
13. Mount Eerie – A Crow Looked At Me
14. Marie-Flore – Passade Digitale EP
15. Blonde Redhead – 3 O’Clock EP
Photo : extrait des Conseils Bagarre de Johnny Cadillac