Il y a un an à peine, nous vous annoncions l’aventure un peu folle et un rien désuète dans laquelle se lançait le label brestois Too Good To Be True, toujours en recherche d’un bon moyen de mettre en valeur ses sorties toutes aussi impeccables les unes que les autres. Non seulement avait donc germé l’idée d’un single club à l’ancienne, mais pour ne pas faire les choses à moitié, il s’agissait aussi à terme de l’emballer dans un coffret. L’entreprise qui n’aurait pas dépareillée dans les années 1990 semblait un peu folle en 2022 au vu des coûts de productions devenus exhorbitants, pour ne pas dire rédhibitoires. Et pourtant, les collectionneurs d’objets aussi beaux à l’œil que doux à l’oreille peuvent préparer la monnaie : le label a réussi son pari en sortant au début de l’été ce somptueux collector limité à 150 exemplaires.
5 singles, un livret de 20 pages, des badges, un poster, le tout emballé dans un magnifique coffret magenta faisant la part belle comme jadis Sarah Records le faisait avec Bristol à la singulière beauté brestoise : rien ne manque pour en faire l’une des belles réussite de l’année. Et surtout pas ce qui demeure au final le plus important, le contenu musical de l’ensemble. Si il y a un an, seuls les deux titres des toujours impeccables norvégiens de Love Dance étaient en passe de voir le jour, les 4 autres singles sortis au cours de la saison ont chacun révélés leur lots de surprises, d’hommages et sans doute un peu aussi de nostalgie. Si l’on excepte le single des suédois de The Slow Summits, un peu à part dans leur registre ultra classique qui lorgne davantage vers Orange Juice ou les Feelies, les quatre autres groupes dressent une ligne imaginaire qui fait revivre les connexions alors insoupçonnées entre Manchester et Bristol, Factory et Sarah.
Laisser à Michael Hiscock le soin de conclure la série avec son nouveau groupe The Gentle Spring, le premier depuis la séparation des Field Mice qu’il avait co-fondé à la fin des années 1980 pour laisser l’héritage absolument passionnant que l’on connait devenait alors plus qu’une évidence, tout un symbole. Dodge The Rain et Paris Windows sont deux chansons intemporelles et s’il faut ici faire le deuil des pop songs endiablées de la trempe de Sensitive, les deux titres de The Gentle Spring, sa basse ronde, son piano parcimonieux et sa jolie guitare folk nous ramènent plus aux ambiances douces et boisées de la ballade So Said Kay ou du quasiment country An Earlier Autumn.
Dans ce concert international, le label tenait à offrir à deux projets d’ici toute leur place, méritée. Meyverlin devient ainsi que le premier groupe à récidiver sur le label avec le très club Casanova, électronique et dansant, hommage aussi peu voilé que réussi au son du New Order haçiendesque et qui constrate sacrément avec le tout autant mancunien, mais côté Salford cette fois Wasted Years, plus dans la lignée de leur premier album, Daily Events. Mais la vraie surprise de cette collection de singles est sans doute le premier acte de la discographie de Cascabel derrière lequel se cache un certain Stéphane Auzenet, plus connu comme moitié de The Reed Conversation Society. En alliant les qualités d’écriture qu’on lui connait avec ses aspirations plus personnelles puisées justement dans cet axe Factory/Sarah, on le découvre tour à tour sombre, synthétique et halletant sur un Black Sunshine envoûtant puis revêtant son plus bel anorak pour un inattendu New Field digne des meilleurs Brighter ou Another Sunny Day, à la fois mélancoliquement adolescent et plein de fraicheur.
Que l’on choisisse l’un ou l’autre de ces singles ou le coffret tout entier, Too Good To Be True fait une nouvelle fois la démonstration qu’en matière de production musicale, faire de véritables choix artistiques et éditoriaux est encore possible, loin des productions numériques à la pelle(teuse) ou de la main-mise de majors sur les bacs à coup de rééditions pas toujours ni dispensables, ni soignées. L’artisanat a encore de beaux jours devant lui.
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