On ne s’attendait pas, après la diffusion toute récente du somptueux clip dédié à la chanson Astana, à recauser de VIOT de sitôt. Et puis vlan, voici que se présente quasi immédiatement une deuxième (sait-on jamais) surprise tout aussi alléchante avec le clip d’un autre des morceaux-phare de son magnifique premier album : Rouge. Et là encore, le jeune Adrien Viot met droit dans le mille.
On adorait la chanson d’ouverture aux accents cinématographiques, cette balade crépusculaire à l’allure de faux western et aux arrangements bruts, cette pulsation métronomique qui suggérait une errance nocturne émaillée de rencontres inquiétantes et d’ennui voluptueux. C’est le parti pris que prend la réalisatrice Astrid Karoual, déjà à l’œuvre sur Astana et principale artisan de l’esthétique du chanteur, offrant à ce morceau envoûtant une déclinaison poétique et horrifique assez peu littérale. Si le Rouge est omniprésent dans les filtres utilisés, on trouve ici des clins d’œil appuyés à l’environnement banlieusard de Viot (Rouge Banlieue et Montreuil Attitude) dans cette déambulation fantomatique au cœur d’un no man’s land post-urbain fait de terrains vagues, de palissades et de déchets anonymes.
Plus encore que cet ancrage social, c’est évidemment la dimension fantastique qui prend le pas sur la vision écarlate au fil du morceau. Viot, lui-même, dont le visage juvénile et rond sert parfaitement le propos jusqu’à cette moue « terrifiée » très Actor’s Studio (!) en milieu de vidéo, se prête au jeu et devient une créature droit venue d’un film du japonais Kiyoshi Kurosawa (on pense au chef d’oeuvre Kaïro, ou au troublant Doppelgänger de 2003), marchant à reculons après avoir contemplé l’insaisissable. Les gros plans et l’éclairage rappellent avec bonheur (et non sans humour) les visages du célèbre Village des Damnés de Rilla Wolf, les dérives extraterrestres des vampires superstars du Only Lovers Left Alive de Jarmusch ou encore l’esthétique ralentie et surréaliste de feu Jean Rollin. La symbolique des guirlandes drapeaux qui flottent au vent interpelle, sans qu’on parvienne à en percer la signification. Mais c’est bien sûr !
C’est en tout cas plus que convaincant, à défaut d’être complètement terrifiant (faut pas abuser), et l’on espère qu’à l’image de ce Viot répliqué et possédé de la fin, la contamination ne connaîtra pas de limites. L’album Astana, sorti chez Langage Records, est toujours disponible un peu partout et il y aura fiesta de célébration pour refêter son existence le 19 novembre au Supersonic à Paris. Qu’on se le dise.
Photo : Astrid K.