Projet Marina / Loire
[Autoproduit]

7.1 Note de l'auteur
7.1

Projet Marina - loireIl n’est jamais trop tard pour parler d’un bon disque. Mais il n’est pas trop tôt pour saluer les qualités de Loire, le disque du groupe nantais Projet Marina, sorti il y a un peu plus de six mois. Il reste visiblement quelques unes des 25 cassettes du tirage limité proposé sur sa page Bandcamp par le groupe au tarif de 9 euros, signe sûrement que les fans du groupe préfèrent le digital ou alors qu’ils ne sont vraiment pas nombreux.

Il y a toujours une forme de cruauté et d’injustice dans notre univers de plus en plus confidentiel du rock indé quand on se rend compte que ce qu’on considère comme des œuvres d’art, si ce n’est de premier plan, du moins dignes du plus grand intérêt, ne sont partagées que par quelques dizaines d’oreilles. C’est probablement le cas de ce disque qui en 6 pièces de trois à dix minutes chacune, installe avec brio un climat fantastique et hautement stimulant et nous offre une immersion (en français) des plus intéressantes. LOIRE (ou Loire) s’ouvre ainsi sur un morceau impeccable baptisé L’île qui mêle à un accompagnement hypnotique et grésillant qu’on qualifiera faute de mieux d’ambient rock un spoken word poétique, sombre et mécanique. On pense à la scansion détachée et finalement assez peu mélodieuse d’un Viot (devenu nantais entre temps) à l’écoute de ce chant habité et en même temps désincarné, concentré sur ses effets poétiques. Le final donne à cette île une allure fantasmagorique et vaguement orientale qui finit d’installer un climat anxiogène mis en place dès l’introduction par un bras (de fer) électronique. Sentir prolonge l’expérience dans une veine cold ou dark habillée de guitares, classique et bouzouki irlandais, qui ajoute à l’étrangeté de l’ébullition électro. La voix fantôme traîne à l’arrière-plan comme si elle ne visait surtout pas l’intelligibilité avant de disparaître au premier crescendo bien venu. Les paroles sont écrites et permettent de suivre le propos qui s’en passe assez bien : tout ce qui arrive ici n’est pas pour le meilleur. On s’en serait doutés.

La musique de Projet Marina est naturellement mystérieuse mais sans affèterie. Le miracle se reproduit à plusieurs reprises si bien qu’on ne peut l’attribuer au hasard ou à un heureux accident. L’invisible est pesant et métallique avec de faux airs de Umberto, comme s’il s’agissait d’illustrer un film d’horreur sur les bords du fleuve. On en oublierait presque que la Loire est presque à sec et que l’été a tout vidé. Parasite n’est pas loin d’être notre morceau favori et on finit avec lui de préférer les séquences instrumentales et notamment le pont dance très Orbital de la cinquième minute aux séquences où persiste encore une présence humaine.

Dire qu’on comprend quelque chose à tout ça serait mentir. La balade est un peu longue au final mais on observe les variations et nuances du terminal Le Passage (qui n’a rien à voir avec le célèbre roman de Valéry Giscard d’Estaing) avec une curiosité bienveillante et une forme de fascination. Le défilé est tortueux, rythmé et insondable, comme si on croisait une colonne de cagoules montées pour une cérémonie secrète et qu’on en frissonnait de crainte qu’elle ne se retourne sur nous.

Le projet Marina est un duo  masculin (Lilian et Willy) sur lequel il ne vaut mieux pas trop se renseigner. Leur musique se goûte presque à l’aveugle, les yeux fermés et les oreilles ouvertes.

Tracklist
01. L’île
02. Sentir
03. L’invisible
04. Parasite
05. Entre deux rives
06. Le passage
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