La photo d’origine ornait avec panache la couverture de l’album Casanova sorti en 1996 et quatrième disque de Divine Comedy. Neil Hannon, au sommet de sa période baroque, y arborait une magnifique livrée bleue, avec une écharpe soyeuse tandis qu’il zieutait (sous lunettes noires) l’horizon Renaissance (ok, Casanova est XVIIIème, nous souffle Stéphane Bern) de la cité vénitienne d’un air inspiré. Le bleu du blouson faisait écho brillamment au bleu des canots et au reflet qui débordait sur une belle table de bois franc.
Signée du photographe (évoluant à Londres depuis des décennies) Kevin Westerberg, la photo rejoignait la série de clichés iconiques de l’Américain parmi lesquels on compte en vrac le Pod des Breeders, le Lloyd Cole de.. Lloyd Cole ou encore l’Intro de Pulp parmi des dizaines d’autres. Célébrant la sortie prochaine (13 novembre) du coffret monumental marquant les 30 ans d’activité de l’Irlandais et de sa comédie, Rock&Folk a opportunément consacré sa Une de novembre à une belle interview du chouchou de la France indé et auteur du culte Tonight We Fly. Neil Hannon a joué récemment pour la réouverture du Barbican Center de Londres et se languit de venir interpréter sur scène les 9 albums qui figurent dans la grande réédition annoncée. La sortie de Venus, Cupid, Folly & Time devait aussi coïncider avec une résidence à la Cité de la musique à Paris.
Toujours est-il qu’en appui de cette interview dossier à lire, le magazine français, pourtant habitué aux excès de ces premières pages, a trouvé bon de retoucher le cliché de Westerberg pour en effacer (de façon maladroite, ce qui tend à donner au chanteur une bouche en bec de canard) la cigarette crâneuse. Si on suppose que cela s’est fait en accord avec l’intéressé, le photographe au premier chef (on suppose, on suppose), et l’artiste, le choix de cette photo qui date de plus de 25 ans est en soi une curiosité. La retouche en est une autre, photoshopi et qui fait assez peu rock’n’roll ! De là à déclencher un cigarette gate qui marquerait l’aseptisation de notre société et l’absurdité de la croisade menée par les anti-tabac (les anti tout en fait), il n’y a qu’un pas qu’on ne franchira pas tout à fait. Il n’est pas exclu de fait que choisissant cette photo en guise de couverture (la plus connue et peut-être la plus belle de l’époque héroïque du chanteur), Rock&Folk n’ait pas eu le choix que d’effacer la fameuse clope, sous peine de tomber sous le coup de la législation qui interdit de faire la promotion du tabac. C’est d’ailleurs ce dont fait état le magazine en appui de sa livraison. Tout ça serait de la faute de Claude Evin. Pourquoi ne pas avoir choisi une autre photo dès lors ? Sans doute parce que c’est ainsi que le lectorat potentiel se représente le mieux le chanteur. Ma foi…
Venant d’un mensuel fondé il y a plus de cinquante ans et qui en a vu de toutes les couleurs, en snif, en rail, en seringue et en pilule avec Led Zep, Iggy Pop ou je ne sais qui, l’anecdote reste cocasse et le mouvement pas forcément très heureux. Pas de quoi renoncer à lire le magazine (au contraire…) qui a plutôt regagné en qualité ces dernières années et à négliger ce coffret dont le prix dépasse, tout de même, l’entendement. Fumer, ça craint. Fumer sur une photo, ça craint too. Mais écouter Divine Comedy, ça non !
D’autant que la semaine précédente, Télérama publiait en couverture une Coco Chanel fumant crânement…
Pas faux. Je pense que le magazine a souhaité utiliser à tout prix cette photo parce que 1/ elle est très belle 2/ c’est probablement celle qui identifie le plus Divine Comedy auprès du public. Pas si fréquent que RnF mette en couv un artiste indé aussi pop. s’il y a des dizaines d’autres photos très chouettes, celle-ci a l’avantage d’être identifiable instantanément par les non spécialistes. C’est une supposition. Le reste (enlever la cigarette) aurait pu être mieux négocier mais cela n’enlève rien à la bonne idée de faire la couv sur Hannon.