En musique, la réussite tient souvent à peu de choses. Samantha Crain qu’on avait laissée en 2020 sur l’assez sinistre et âpre, A Small Death, a profité de la pandémie pour se mettre au vert et revenir vivre à la campagne. Originaire de Choctaw dans l’Oklahoma, la jeune chanteuse a redécouvert les joies de la nature et effectué, un peu contrainte, un retour au folk de ses origines, en même temps qu’elle apprenait, avoir après voyagé autour du monde, à refaire le tour de son propre jardin. C’est ce voyage que raconte en quatre titres légers et élégants, I Guess We Live Here Now, EP 4 titres de circonstance mais qui constitue une vraie livraison complémentaire de sa jeune production. Sur Bloomsday, la chanteuse s’émerveille de ce redémarrage soudain, comme si elle arrivait là pour la première fois. Elle retrouve une fraîcheur et une innocence dans l’expression qui coïncide avec les formes simples et acoustiques de la production.
Hey, everything must always start again
That’s how it goes my little Mickey Finn
They rob you and they kick you when you’re out like a light, I know it’s happening
And everybody’s wondering where their little light is
And everybody’s wondering where their little light is
Give me something, Bloomsday’s coming
Open up the doors and have a goddamn beer
Ring the baker, the butcher, the charioteer
The palm readers in Salem, the engineer
La chanson sent bon la petite Amérique, conservatrice et rurale, les balades dans les prés, la bière partagée entre amis sous le porche et la levée d’espérances. « Je vais laisser briller la petite lumière qui est à l’intérieur de moi« , reprend la jeune femme en refrain comme si son aventure urbaine et son succès naissant n’étaient que de lointaines parenthèses. There Is No Mail Today est un peu moins enlevé et positif. Crain évoque la solitude d’une femme probablement abandonnée par un homme abusif. La détresse d’être seule se conjugue à une forme de soulagement devant la disparition d’une menace. « Je suis mon propre canari dans une mine de charbon », chante Crain autour d’un texte à la fois élusif et très poétique. La voix est plus grave mais l’arrangement tout aussi minimaliste et dépourvu d’une mélodie qui pourrait distraire du propos et mettre du mouvement où il n’y en a pas. Malachi, Goodbye refuse tout autant l’agitation et l’emballement. Ces quatre titres sont des hymnes au recueillement, à l’immobilité et à la patience. Il s’en dégage une sérénité un peu triste mais suffisamment chaleureuse pour faire passer Crain, qui n’est pas réputée pour son optimisme, pour une amie chère et docile.
Certains ont besoin d’albums entiers pour dire les choses. Avec ces seulement quatre titres, Crain s’offre une parenthèse enchantée qui enrichit sensiblement sa palette d’émotions et sa gamme musicale.
On ne va pas en faire des tonnes s’agissant de quatre titres, mais ce EP résume assez bien le petit monde que chacun s’est construit pendant les différentes phases du confinement. Rien que pour cela, c’est un témoignage précieux des mois passés et, on ne l’espère pas, des jours à venir.