Sex Pistols / The Original Recordings
[UMC]

8.3 Note de l'auteur
8.3

Sex Pistols - The Original RecordingsCela n’aurait sans doute pas déplu à Malcolm Mc Laren que l’industrie essaie de nous revendre le même produit sous une forme très légèrement différente une bonne douzaine de fois. Les Sex Pistols n’ont signé qu’un seul album, Never Mind The Bollocks, Here’s The Sex Pistols, en 1977 et c’est donc lui et uniquement lui que les parutions qui ont suivi, présentent majoritairement depuis. The Original Recordings, 2022, ne fait pas exception qui comprend sur ses 20 morceaux la quasi totalité du disque (moins Liar, Seventeen et E.M.I) en y ajoutant des morceaux évidemment déjà connus qui vont de quelques covers célèbres (le My Way de Sid Vicious, I’m Not A Stepping Stone des Monkees), à des faces B bien connues (Satellite, Did You No Wrong ou I Wanna Be Me) en passant par des titres clairement plus faibles comme Silly Thing ou Lonely Boy.

Cette dernière chanson, interprétée et composée par Steve Jones, n’est pas là par hasard : c’est elle qui donne son nom à la série Hulu/Disney + qui est justement tirée de la biographie du guitariste qui porte son nom, lequel devient par la force des choses le héros de toute l’histoire. Lonely Boy n’est pas une mauvaise chanson mais c’est une chanson qui relève plus de la pop américaine des années 60 qu’elle ne participe du travail de déconstruction proposé par le groupe et dont il ne reste aujourd’hui, à l’oreille et avec le recul, que la force convulsive et dérangeante du chant et des textes de John Lydon. S’il y a en effet une « morale » ou un enseignement à tirer de cette énième compilation (à laquelle on préférera la Kiss This de 1992, qu’on peut trouver à 2 ou 3 euros partout), c’est que le son des Sex Pistols est près de quarante ans plus tard entré dans le patrimoine (mondial et culturel) de l’humanité.

Difficile après avoir côtoyé leurs héritiers punk, post-punk et anti-punk d’être encore saisis et touchés par la violence et la sauvagerie des attaques de guitare de Steve Jones. Si le jeu de Paul Cook et la qualité du jeu de basse de Glen Matlock font encore une belle impression, l’histoire a livré à la suite des Pistols des dizaines de groupes qui ont joué plus fort, plus vite et plus violemment, enlevant aux originaux une bonne partie de leur capacité d’agression. Il faut se l’avouer : on écouterait les Sex Pistols comme on écouterait un vieux disque un peu énergique piqué chez son tonton, avec bienveillance et nostalgie, s’il n’y avait le chant éternel de Lydon. Il y a beaucoup trop de morceaux que Lydon ne chante pas sur cette compil.

La série Pistol a beau mettre Jones en avant (elle a été désavouée par Lydon au même titre que tout le revival Pistols qui s’organise actuellement sans lui ou du moins en le mettant systématiquement en minorité lors des décisions collectives), l’oreille ne retient que lui, le Pourri, le fêlé, le mal accordé, depuis l’hymne Pretty Vacant jusqu’aux accents rabattus mais toujours spectaculaires de God Save The Queen ou de Anarchy In the UK. John Lydon éclabousse les enregistrements qui sont rassemblés ici de son impertinence, de sa rage et de son talent éblouissant. C’est lui qui donne le rythme et le timbre. C’est lui qui accélère et qui mène le bal. C’est encore lui qui introduit le malaise, la folie et la sombre réalité sociale sur un Bodies qui figure parmi ses meilleurs textes et préfigure, à sa façon, ce que le bonhomme proposera plus tard avec Public Image Limited.

Souligner à ce point l’importance de Lydon dans la trace historique laissée par les Sex Pistols ne vaut pas dénigrement de ses compagnons qui tiennent plus que leur place et apportent leur contribution à la formidable alchimie qui soude le groupe. Mais c’est Lydon que l’on remarque devant tous les autres avec ses insuffisances et ses coups de menton. C’est lui qui s’empare du No Fun des Stooges pour en faire un truc aussi définitif et glaçant, marqué par la solitude et la peur de l’abandon. Là où Iggy Pop s’adressait à ses copains, Lydon est archi seul et claquemuré dans sa désolation psychotique. C’est cette force dérangeante qui règne sur les meilleurs morceaux de cette compilation, cette capacité du chanteur à agir CONTRE tous les autres et totalement en solitaire. La série ne rend que très partiellement la situation d’altérité qui règne au sein des Pistols et l’hostilité manifeste du groupe envers son chanteur. On peut s’amuser et écouter Sid Vicious faire le pitre sur My Way ou trouver de l’intérêt en écoutant Silly Thing, chanson chantée par Jones et Cook, mais c’est évidemment une distraction basse calorie qui ne tient pas une seule seconde la confrontation avec la maestria d’un Holidays In the Sun ou encore de Problems.

Le Problems est évidemment la solution. Écouter Lydon ici est un pur bonheur. Il manque pourtant des crachats et des claques dans la gueule, des versions live qui auraient pu étoffer l’exercice. The Original Recordings 2022 est de toute façon un excellent investissement, si vous n’avez pas déjà tout ça en stock ou cherchez une bonne occasion de réécouter tout ça de près. Lydon est le héros. C’est ce qu’il faut retenir.

Tracklist
01. Pretty Vacant
02. God Save The Queen
03. Bodies
04. No Feelings
05. I Wanna Be Me
06. Anarchy In The UK
07. Submission
08. No Fun
09. (I’m Not Your) Stepping Stone
10. Holidays In The Sun
11. New York
12. Problems
13. Lonely Boy
14. Silly Thing
15. Something Else
16. C’Mon Everybody
17. Satellite
18. Did You No Wrong
19. Substitute
20. My Way
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