Silversun Pickups / Widow’s Weeds
[New Machine Recordings]

4.9 Note de l'auteur
4.9

Silversun Pickups - Widow's WeedsIl arrive assez fréquemment que les choses ne tournent pas comme on l’avait prévu. A la sortie de leur deuxième album, Swoon, en 2009, on avait fait des Américains de Silversun Pickups notre nouveau jeune groupe préféré, leur prédisant une carrière jalonnée de succès indignes et de tubes générationnels. Dix ans après tout juste, alors qu’on s’attendait à avoir déniché le nouveau Placebo (pour lesquels ils avaient ouvert à l’été 2009), le groupe de Brian Aubert aura juste joué les utilités sur une tournée de Muse, tenu la tête d’affiche sur quelques festivals mineurs et gaspillé son énergie dans des albums invisibles. Le cinquième Widow’s Weeds ne fait pas exception. Sorti au début du mois de juin, le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’a pas contribué à une meilleure visibilité du groupe de Los Angeles, malgré l’arrivée à la production du très respecté Butch Vig.

C’est à la fois dommage et mérité, puisque Widow’s Weeds est un album plutôt bien équilibré, assez personnel et intéressant d’un point de vue musical. Silversun Pickups y prolonge sa quête d’un son mainstream mais contenant encore quelques belles traces d’indie rock. Depuis dix ans, le groupe laisse en effet l’impression étrange de vouloir conquérir quelque chose : un marché, le cœur des ados américains ou une reconnaissance industrielle. Sa musique s’en ressent, constituée de tics indé plus ou moins grossiers, d’un son un brin racoleur et de guitares attendues, qui ont considérablement atténué l’intérêt qu’on portait pour le groupe. Le chant de Brian Aubert a connu la même dérive au point de ressembler parfois à une version dégénérée de George Michael, comme sur le beau et également atroce Freakazoid. Silversun Pickups sonne comme un groupe souffrant d’un symptôme avancé de dédoublement de la personnalité. Tantôt incandescent et hyperdoué à l’image de son single, It Doesnt’ Matter Why, qui a toutes les qualités incisives et répétitives pour emballer avec intelligence, d’autres fois complaisant et barbant comme un affreux machin putassier aux relents de RnB et d’aftershave (Dont Know Yet). L’album Widow’s Weeds évolue entre ces deux pôles sans qu’on puisse totalement en dire du mal mais sans laisser non plus une grande impression. L’ensemble reste séduisant à l’oreille mais est trop souvent englué dans cet entre-deux intentions pour qu’on fasse autre chose que s’ennuyer. Straw Man est pourtant torturé et tendu comme du Brian Molko justement. Widow’s Weeds est carrément excellent. Mais à côté de ça, les californiens passent leur temps à faire les kékés en passant la tête par le toit ouvrant sur des morceaux pénibles comme Bag of Bones ou Songbirds qui ressemble à du Ride joué par un cover band brésilien. Les solos de guitare ne sont jamais vraiment menaçants et toutes les tentatives de rugir échouent lamentablement.

Widow’s Weeds est l’exemple même du ratage orchestré par un groupe qui ne sait plus trop ce qu’il veut faire mais le fait quand même. A quel genre appartient un morceau comme Simpatico ? Est-ce un titre triste ou juste un titre si lent qu’il pousse à se jeter dans la mer ? La plupart des titres ne choisissent pas leur rythme, leur angle et se contentent de mêler de bonnes intuitions à une absence de projet global qui fout tout en l’air. Ce n’est pas le répugnant We Are Chameleons qui va nous faire changer d’envie. Le pire est qu’on retrouve par intermittence des machins qu’on avait aimés chez eux et qui surnagent comme les débris d’une épave fracassée. La veuve ferait bien de servir sa tournée de Roundup.

Tracklist
01. Neon Wound
02. It Doesnt Matter Why
03. Freakazoid
04. Dont Know Yet
05. Straw Man
06. Bag of Bones
07. Widow’s Weeds
08. Songbirds
09. Simpatico
10. We Are Chameleons
Écouter Silversun Pickups - Widow's Weeds

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