Un premier album plébiscité pour ses charmes (Creatures Of An Hour – 2011) puis un second toujours pour le compte du puissant Sub Pop (Strange Pleasures – 2013) un peu trop convenu pour convertir le capital sympathie en love story de longue haleine, puis Still Corners a subi un gros appel d’air. Celui que connaisse les groupes promis au succès mais qui se cabre dans une ruade au moment de franchir l’obstacle. Ou bien est-ce l’expression d’une farouche volonté d’émancipation ? Toujours est-il que Dead Blue (2016) et Slow Air (2018), tout deux publiés via la propre structure du groupe, Wrecking Light, se sont dissous dans le temps aussi vite qu’une romance adolescente espérée au détour d’une esquisse de sourire et condamnée dans un regard détourné.
Pourtant, Greg Hughes a un vrai talent pour magnifier le chant de Tessa Murray par un entrelacs de guitares électro-acoustiques et une production qui s’applique à mettre en relief la discussion entre la belle et la six-cordes, sur un tapis rythmique discret et sporadique. La forme et le fonds sont éculés depuis belles lurettes, et il ne faut pas grand chose pour distinguer l’incarnation touchante de la relecture vaine. Lorsque la sincérité n’est pas feinte, alors on peut se délecter sans plus se soucier de l’air du temps. Il y a quelques années, Mazzy Star en faisait de même et on ne saurait pas plus hier qu’aujourd’hui à quelle période il faut rattacher So Tonight That I Might See (1993) ou ce Last Exit. Les arrangements empruntés aux bandes-son des westerns-spaghettis imaginés par Morricone apparaissent alors à bon escient : un harmonica (A Kiss Before Dying), une pedal-steel, le hurlement d’un coyote au loin (Bad Town) ou un roulement de tonnerre. Même si le groupe est basé à Londres, c’est le souffle des Grandes Plaines qui traversent The Last Exit. Dans cet exercice de style, quelques passages sont clairement « middle of the road » et certains s’amuseront à pointer les ressemblances de It’s Voodoo avec certaines compositions de Dire Straits (mais avouons qu’on n’a pas le courage de s’infuser l’intégrale pour s’en assurer). Mais il y a aussi de très belles réussites, comme le single White Sands ou encore l’instrumental Shifting Dunes qui, lui, n’aurait pas dépareiller sur un album de Lanterna.
Il faudra faire subir à cet album les affres du temps, mais il est probable qu’il soit aussi convenu qu’indémodable.