Patrick Bénard / Le Post Rock de Mogwaï à Godspeed You! La rage et la beauté
[Camion Blanc]

6 Note de l'auteur
6

Patrick Bénard / Le Post Rock de Mogwaï à Godspeed You! La rage et la beautéDécidément les ouvrages musicaux en forme d’encyclopédie ou de simples répertoires ont la cote ces derniers temps. Si on avait dit le plus grand bien de l’immersion façon catalogue du Look Back In Angers de Christophe Deniau, on est un poil plus réservé quant à l’entreprise de Patrick Bénard qui applique cette même méthode (beaucoup d’informations et de groupes, très peu de texte) au mouvement post rock.

L’ouvrage a pour lui de proposer des centaines d’entrées, groupe et discographie, qui se prolongent par des dizaines d’heures d’écoute et de découvertes. L’organisation est facile, originale et intelligente : Bénard propose un classement géographique qui s’ouvre par l’Afrique (ok, juste un groupe Wildernessking dont on est pas hyper convaincu qu’il soit post rock), se prolonge sur l’Asie avant d’enchaîner sur les autres continents, l’Europe et la France se taillant la part du lion dans ce panorama non exhaustif mais suffisamment complet pour dessiner, plus ou moins volontairement, une cartographie d’un « phénomène » ou d’une tendance musicale plus internationale qu’on ne l’aurait cru. Le post rock, genre et non genre selon la définition que rappelle Bénard, fonctionne comme une grande communauté aux contours incertains où l’on regroupe des groupes à dominante instrumentale (mais pas que), aimant s’exprimer dans la durée à travers des constructions mélodiques ou bruitistes qui sont souvent marquées par l’utilisation des guitares…. Débrouille-toi avec ça. Autant dire qu’il y a de la diversité, mais aussi des métissages intéressants entre ce non genre et le terreau local, voire les musiques du monde et leurs résonances. Il suffit de suivre les entrées proposées par Bénard, avec une connexion à YouTube ou à Deezer qui fonctionne pour aller picorer dans ce large et intéressant tour d’horizon. On y retrouve bien entendu les groupes qu’on connaît parfaitement (les Low, Mogwai, Tortoise et consorts) que Bénard traite à part égale avec les sans grades, les inconnus, les contemporains et disparus. Cette manière de mettre un peu tout le monde sur le même plan est intéressante. Elle frustre car on aurait aimé que l’auteur en dise plus sur les groupes importants, mais finalement ce qu’il y avait de mieux à faire pour présenter une école invisible.

Là où l’on tique un peu, c’est sur la relative faiblesse de l’appareil critique qui accompagne le recensement. L’introduction ne fait guère plus d’une dizaine de pages et démarre (ce qui fait mauvais effet) par le recours à la définition du post rock que donne wikipedia. On est un peu snob mais ce n’est pas une entrée très recherchée. Les pages qui suivent sont intéressantes mais on aurait aimé un effort critique plus long et conséquent pour décrire ce qui rapproche ces groupes, pour dire ce que cette musique a de fédérateur. La tâche n’est évidemment pas simple si on considère justement que le post rock n’existe pas réellement. Mais le travail que fait Bénard par la suite montre tout de même qu’il est sûrement possible, avec un peu plus de travail, de dégager par écrit des caractères communs, une inspiration, une ambiance, une visée dans l’intention musicale. On n’en saura rien ou pas grand-chose. Les entrées consacrées au groupe (le livre privilégie le nombre et la liste sur le commentaire) sont souvent très brèves mais font l’effort de hiérarchiser les albums entre eux, de souligner ce qui est intéressant et ce qui doit être retenu. Le ton est relâché (façon « blog » de spécialiste le plus souvent) mais se lit avec plaisir et joue pleinement son office.

La principale remarque qu’on fera ainsi (par delà le prix du livre à 30 euros – qui relève des pratiques habituelles du Camion Blanc) est que Patrick Bénard aurait gagné à prendre un peu plus de temps et d’espace pour décrire son sujet, le disséquer et l’analyser. Cela aurait sans doute rendu justice au panorama passionnant qu’il met à jour. En l’état, le livre est un bon compagnon d’écoute, mais n’apporte pas beaucoup plus qu’une playlist irréprochable et qu’on aurait bâtie pour nous. C’est déjà beaucoup et peut-être suffisant pour donner envie et ouvrir sur les fascinants horizons, nordiques, français et exotiques, que nous réserve le post rock.

Le livre sur le site du Camion Blanc

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