Sur la carte de l’International Pop, on ne saurait où placer les Pays-Bas – à moins de trouver des vertus aux chansons que Dave a refourgué en France comme des mimolettes frelatées. On pourra toujours se la péter en évoquant l’intemporalité de The Nits, la radicalité The Ex ou encore la toquade passagère de Bernard Lenoir pour Bettie Serveert ou Alamo Race Track. En matière de musique électronique, la comparaison est cruelle avec leurs voisins belges, malgré le succès international de 2 Unlimited ou la crédibilité d’Urban Dance Squad… Sans même parler de style spécifique ou d’innovation, on peinerait à citer les artistes actuels issus de la scène d’Amsterdam, Rotterdam ou La Haye en matière de revival et de recyclage. Allez savoir pour quelles bonnes raisons si peu d’artistes parviennent à émerger des polders.
Autant dire qu’on ne sait pas comment Silent Runners vient d’apparaitre sur nos radars. Sûrement une filiation avec un groupe qu’on a « liké » un jour, mais ça nous échappe. Et bien évidemment, on ne sait pas grand-chose, pour ne pas dire strictement rien, de la genèse de ce projet.
On imaginera donc que ces gars qui semblent tout à fait ordinaires se sont rencontrés dans un bar ou dans un concert et ont alors décidé de partager leurs passions pour le post-punk et le rock épique des 80’s. On pourra avancer que le chanteur doit être huissier de justice ou comptable – mais ça c’est juste le fruit de nos préjugés en regardant les photos et vidéos du groupe.
En cherchant un peu plus, on tombe sur le fameux « critically acclaimed debut album« , qui désigne, dans le jargon microcosmique des défricheurs sur internet, un album que personne n’a vu passer à part quelques « happy few » qui s’en gargarisent. Certes The Directory a été réédité, après une première parution en autoproduction, par le label allemand Cold Transmission Music qui explore les fonds des caves gothiques / coldwave.
Si ce premier album qu’on peut écouter en intégralité sur leur page Bandcamp ne manque pas de qualités, il faut bien reconnaitre que la posture raide et le timbre de voix incantatoire de Dolf Smolenaers restreignent drastiquement les envolées mélodiques. C’est un exercice de style parfaitement exécuté qui séduira aisément les adeptes de messes noires synthétiques et de rythmiques martiales. Grosses lignes de basses, batterie qui matraque, guitares tranchantes, voix de gorge profonde, mélodies reptiliennes, on pense à la voie qu’aurait pu emprunter le Depeche Mode des premières années, si le soupirail de leur cave était resté définitivement clos.
Nothing Stays The Same, leur nouveau single chargé d’annoncer la parution d’un nouvel album, dévoile quant à lui de plus grandes ambitions. Le quintette laisse transparaitre un puissant élan romantique qui atteint son paroxysme dans une fulgurance. D’ailleurs pour servir ces nouvelles aspirations et ces intentions, le groupe a fait appel Ben Greenberg (qui a déjà travaillé avec Algiers, Metz ou Soft Kill) et le mastering a été confié à Pete Maher (U2, The Killers, Maximo Park, etc.). Dans le fond comme dans la forme, Silent Runners se rapproche ainsi de l’univers de One True Pairing, le projet de Tom Fleming (ex-Wild Beasts). On attend donc avec impatience l’album (pas de date encore annoncée) pour déceler si ce rayon de lumière déchire les ténèbres.
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