The Reds, Pinks and Purples / Uncommon Weather
[Tough Love / Slumberland Records]

9 Note de l'auteur
9

The Reds, Pinks and Purples - Uncommon WeatherVoilà déjà des semaines que le disque traine dans la pile à côté de la platine et on ne se décide toujours pas à l’en déloger. Oh, ne le cachons pas, le pedigree de Glenn Donaldson nous aura d’abord arraché un bâillement plutôt que la curiosité, lui qui se perd en multiples projets dont le plus connu, Skygreen Leopards, n’en reste pas moins fort peu excitant. Il apparait ainsi crédité dans pas moins de 27 formations référencées sur Discogs (!!) et un nombre incalculable de réalisations. Il a tout du boulimique qui ne prend pas la peine de peaufiner ni de prendre du recul pour faire maturer ses compositions. Toutefois même s’il est ultra prolifique avec son projet The Reds, Pinks and Purples, sur lequel des copains lui apportent un salutaire coup de main, il trouve là un équilibre et enfin une justesse de ton (au propre comme au figuré) remarquable.

Bien évidemment le troisième album, Uncommon Weather, « bénéfice » d’une production à peine plus ambitieuse que les innombrables chansons que l’Américain balance d’ordinaire sur le web à qui voudra bien les écouter – vous en avez pour quelques heures à explorer son Bandcamp. Avec lui, cela ne dure rarement plus de 2 minutes et 30 secondes pour s’épancher sur ces états d’âme. C’est peut-être à cause de ce parti-pris de production et le foisonnement du bonhomme qui confine à l’indiscipline et au manque de distanciation que l’auditoire de The Reds, Pinks and Purples reste confiné à quelques amateurs éclairés. Heureusement les excellents et toujours recommandables (et recommandés) labels par Tough Love et Slumberland Records se sont penchés au chevet du Californien pour coréaliser ce qui se révèle être l’un des meilleurs albums de pop à guitares. En d’autres temps, RPPs aurait pu être signé sur Cherry Red ou Flying Nun, voire au tout début de Creation. Pour qui a apprécié The Feelies, Galaxie 500, The Go Betweens ou encore Belle And Sebastian, Glenn Donaldson a réalisé une prouesse, avec juste quelques amis enfermés dans sa cuisine ! Si les références semblent surgir d’un âge d’or révolu, c’est qu’elles sont passées au rang de patrimoine mondial de la pop culture.

Pour convaincre, bien évidemment, on peut citer l’introductif Don’t Ever Pray In The Church On My Street qui place Brisbane dans la Bay Area et dont le refrain s’élève à la hauteur d’une cathédrale sonore – la plus haute de toute mais qui s’est effondrée sur elle-même. Ici, les tubes ne sortent pas du brouillard et du cafard cotonneux, comme The Biggest Fan qui pourrait laisser poindre un peu d’insouciance printanière mais reste blotti au creux de l’automne. L’artisan besogneux en balance sans faiblir de ces comptines sans refrains fédérateurs ni gimmicks racoleurs. Il reste confiné avec ses doutes, ses espoirs innocents et sa foi pour le chanter (The Record Player And The Damage Done, chanson euphorique de loser). Cela reste modeste et humble. Jamais misérabiliste. Toujours mu par la sincérité.

Et si l’évidence pop de ces chansons nonchalantes n’agit pas, alors la grande révélation pourra peut-être provenir très exactement après 1 minute et 59 secondes de la plage 9 de l’album, après que Donaldson est lâché « pictures of the world » pour la énième fois dans cette chanson où il ne parvient à ne rien dire d’autre ou presque, laissant apparaitre une fracture telle qu’on ne peut que s’y abîmer avec lui. Échoué en sa compagnie à des profondeurs où l’air manque, on voudrait crier au génie, si notre gorge n’était pas si serrée. Un génie capable de magnifier le quotidien terne et morne comme la vie d’un caissier dans une station-service sur une autoroute au milieu de nulle part. Un type qui s’évertue à oublier la médiocrité de son existence pour magnifier le peu, voire le rien, pour en faire une poésie qu’on s’approprie. Ce qui chamboule chez lui, c’est cette faculté à briser la distance qui sépare l’artiste de celui qui reçoit son œuvre.

Il est fort probable que Uncommon Weather reste ce disque qui ne regagne pas les étagères de sitôt, parce que demain sera encore un jour dont il constitue la bande-son.

Tracklist
01. Don’t Ever Pray In The Church On My Street
02. I Hope I Never Fall In Love
03. The Biggest Fan
04. Uncommon Weather
05. A Kick In The Face (That’s Life)
06. I Wouldn’t Die For Anyone
07. I’m Sorry About Your Life
08. The Record Player And The Damage Done
09. Pictures Of The World
10. Life At Parties
11. Sing Red Roses For Me
12. The Songs You Used To Write
13. Sympathetic
Liens
L’artiste sur Bandcamp
La page Discogs de l’artiste
Le site du label
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