Une seconde avant l’impact : le maniérisme de The Antlers fait merveille

The Antlers - Green to GoldLe maniérisme forcené de The Antlers fait de plus en plus penser aux films de Rohmer dont l’affectation extrême et le caractère artificiel bizarrement ne désamorcent jamais la légèreté et la fraîcheur. L’hypothèse selon laquelle le seul moyen d’accéder dans l’art à une sensation pleine et entière de spontanéité était de la rechercher par son exact contraire n’a jamais été démontrée mais il est possible que ce Just One Sec, deuxième extrait de l’album Green To Gold qui marque le retour des New-yorkais en soit une illustration.

Le texte est alambiqué et vaguement new-age, symbole d’une conversion de Peter Silberman à une forme de panthéisme de la transformation personnelle qui évoque autant le sentiment religieux qu’une pratique de la sophrologie. Qui sait ?

I’ll free you from the person I was sure I knew/
I’ll free you from a reputation you outgrew/
I’ll free you from behavior I’d expect to see
/
And my interpretation of history /
‘Cause I boxed you in unconsciously/
And I saw you and I thought you ought to be
/
But by loving you imperfectly/
For just one sec, I’ll free you from me

On n’est pas certain d’y comprendre quoi que ce soit et pas certain non plus que la pop soit le meilleur moyen d’exprimer ce genre d’idées. Mais le chant de Silberman et la manière dont la musique de The Antlers s’organise autour de lui sont des moyens bien plus puissants et évolués de ne nous faire toucher du doigt ce que les mots ne parviennent qu’imparfaitement à rendre. Toute l’histoire de The Antlers se résume à cette idée de quitter une chrysalide qui nous cloue au sol qu’elle soit composée d’un corps malade, d’idées reçues ou de la dépouille de nos vieux moi. Chaque chanson de The Antlers est une tentative d’une force redoutable qui tend à s’élever et à nous élever vers un état supérieur de l’âme qui ne repose pas tant sur un éveil de la conscience que sur une sorte d’ascèse de plus en plus mystique. Le clip qui accompagne la chanson ne nous renseigne pas vraiment sur les moyens de grimper jusque là : faut-il changer la façon dont on regarde l’autre ? Faut-il changer soi-même ? Silberman fait-il simplement l’éloge de l’amour ? Peu importe ce qu’il veut dire. Le chant et la musique qu’il compose à nouveau avec Michael Lerner ont cette capacité à nous toucher au coeur. Ils résonnent avec la même évidence et la même limpidité que les films de Terrence Malick, hermétiques et pourtant clairs comme l’air.

Green to Gold qui sort le 26 mars se posera sûrement comme une énigme, dont on pressent que le sens nous échappera ou ne nous satisfera pas autant que la beauté qui en découlera.

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