Parfois, le coup de foudre est tellement violent qu’il faut savoir prendre de la distance pendant un certain temps pour mieux mesurer l’émotion et le trouble suscités. Pour sentir cette sensation de manque qui permet d’être certain qu’on tient là quelque chose d’important, de marquant. Et puis aussi pour voir ce qui se cache plus profondément, à l’intérieur, derrière les apparences ensorceleuses et cajoleuses.
Il en est ainsi avec Indigo (Captured Tracks), le quatrième album de Wild Nothing, une fois qu’on est parvenu à se détacher un peu du renversant single et titre d’ouverture Letting Go. Ce tourbillon orchestré de main de maître par Jorge Elbrecht (le gourou de Violens, producteur de No Joy, Frankie Rose ou encore Gang Gang Dance) constitue un hymne épique et endiablé qui permet à la discographie de Jack Tatum d’accéder à une nouvelle dimension. Avec cette chanson, Wild Nothing rejoint ainsi définitivement la caste des groupes à l’aura intemporelle, ceux qu’on pourra citer comme référence des années durant. Shallow Water et Oscillation sont également de redoutables singles à la mélodie chewing-gum. C’est une belle confirmation, après un trio d’albums malicieux (et à juste titre chéris par les amateurs de pop rétrofuturiste), mais Indigo se montre nettement plus ambitieux. Avec l’appui de Jorge Elbrecht dont on reconnaît partout la patte, Jack Tatum a fait sauter quelques verrous. Il s’approprie les codes pour mieux les transgresser. D’aucuns diront même que Wild Nothing franchit plus d’une fois la ligne du bon goût, lorsque les saxophones se glissent sur la guimauve Patterns in Motion ou encore au détour d’un solo de guitare The Closest Thing To Living, appuyé par une batterie prog-rock. Ailleurs, certaines lignes de synthé sont dignes des plus grand heures du soft-rock : on ne citera pas de noms par bonté d’âme et parce que ce serait dommage de détourner les plus rigoristes de ce disque juste pour pouvoir disserter avec mauvaise foi au fil d’un name-dropping. Car finalement il ne s’agit que de parti pris de production, de posture, qui ne saurait cacher l’évidence mélodique de ces chansons. Ce serait minoré le port altier, les ramifications profondes et la coloration mirifique qui feront de cet album une référence du genre.
02. Oscillation
03. Partners In Motion
04. Wheel Of Misfortune
05. Shallow Water
06. Through Windows
07. The Closest Thing To Living
08. Dollhouse
09. Canyon On Fire
10. Flawed Translation
11. Bend