A une dizaine de jours du retour de Pavement en France (au Grand Rex), on ne peut pas s’empêcher de commenter la mise en ligne et en vente sur le Bandcamp du groupe (UY pas Pavement) d’un live de leurs plus zélés héritiers, les Écossais de Urusei Yatsura. On a déjà dit ici tout le bien qu’on pensait de cet « immense petit groupe » mais l’occasion est trop belle pour ne pas le répéter : Urusei Yatsura sonne vraiment en 1996 comme le Pavement de 1992 en aussi bon et encore plus cool.
On peut défendre que les deux groupes sont très différents dans l’inspiration et les références : Urusei Yatsura est porté par un duo plus équilibré que celui que composent malgré eux Malkmus et Spiral Stairs, les Ecossais sont tournés vers le Japon quand les Américains ont les yeux rivés sur The Fall et leurs propres influences. Malkmus et Fergus Lawrie ne sont pas du tout les mêmes chanteurs. Les mélodies d’Urusei Yatsura sont plus joueuses quand c’est le chant chez Pavement du premier âge qui vient détourner l’attention. Mais il est impossible à l’écoute de ce live en seulement 9 titres repiqué sur une DAT d’époque de ne pas rapprocher les deux énergies.
Dans les deux cas, on assiste à un spectacle emblématique du son de guitares de cette époque, mélange de confusion, d’énergie rentre-dedans et d’approximations géniales. C’est tendu, envoyé avec un brio épatant et porté par une virtuosité qui s’impose à l’auditeur comme une évidence. Ceux qui ne sont pas familiers avec ce son le trouveront probablement brouillon et n’entendront derrière cela que de la maladresse quand on y lira une authenticité dans l’engagement qui fait que le rock de cette époque (on placera Nirvana en grand frère tragique de ces gens là) était à la fois grand et indépassable. Pow R Ball est un non titre absolument génial, une sorte d’improvisation immédiate et presque sans queue ni tête qui renvoie au caractère primitif du rock. Qu’on se situe chez les Américains ou chez les Ecossais, il s’agit de composer une musique qui permette d’expulser toute la frustration de l’âge adolescent et de l’entrée dans le monde adulte. C’est une musique de rejet et de célébration, une musique révolutionnaire, festive, punk, à la fois régressive (on fait les cons) et tournée vers un futur qui n’existe pas encore. Urusei Yatsura a eu pour lui (à titre posthume) d’avoir inauguré à travers ses thèmes la mode pour la culture pop à la japonaise, des mangas et des monstres de foire. Le triomphe de Pavement est plus souterrain et assis sur l’inframonde américain des teenagers, skaters et freaks qui prospérera à peu près au même moment dans la littérature et le cinéma (de Coupland à Harmony Korine. Mais c’est bien à cette époque que naît la culture blanche alternative et post-punk la plus vigoureuse, la plus fraîche et étendue de la fin du XXème siècle et du début du suivant.
Sur le disque (qui ne sort en numérique), c’est bien de cela dont il est question avec une série de chansons vraiment remarquables comme Fake Fur ou l’impeccable Kernel (qui semble avoir des bouts de The Wedding Present dedans). On doit avouer qu’on a toujours eu un petit faible pour First Day On A New Planet.
This place is a fun park tonight
I follow the lights into the town
All alone on a three-lane highway
I’m playing a tape that I just found
First day on a brand new planet
I’m riding to a place that’s sunny
Le texte est fantastique et la chanson en trois minutes et quelques mériterait un long développement. C’est entraînant, mélodique et en même superbement violent et caractéristique des aspirations de la jeunesse de cette époque et d’à peu près toutes les époques avant et après. L’impression à 15 ou 20 ans de débarquer sur une planète qui n’est pas la nôtre et (peut-être) d’y avoir quelque chose à faire est un excellent résumé de la condition humaine. Pavement et Urusei Yatsura avaient aussi en commun de proposer souvent des chœurs et des tralala en appui du chant principal. Ce n’est pas anodin. Ces aventures sont là sont toujours collectives, des aventures de groupes de garçons et de filles qui se retrouvent pour tenter quelque chose. Ca se finit souvent mal mais quand ces histoires laissent des morceaux aussi importants que le Siamese qui referme ce live, on se dit que l’aventure en valait la peine, aussi infime et anecdotique qu’elle ait été.
02. Majesty, Pachinko
03. Death 2 Everyone
04. Pow R Ball
05. Fake Fur
06. Kernel
07. Plastic Ashtray
08. Phasers on Sun
09. Siamese
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