Aidan Moffat & RM Hubbert auront réussi à sortir, la même année, deux albums magnifiques. Le premier, Here Lies The Body, était un album polisson et racé au charme sensuel. Le second est un album de saison : ce fameux album de Noël auquel on se disait que Moffat finirait bien par céder après avoir, année après année, taquiné l’exercice des reprises et des titres thématiques. Ghost Stories for Christmas n’est évidemment pas, de la part de l’ancien (et futur) chanteur d’Arab Strap, un album comme les autres : c’est la prolongation intelligente et cohérente qu’il donne à son travail, maintenant embrassé depuis dix ans, sur les traditions et la culture populaire. Ghost stories for Christmas tourne autour de Noël sans jamais vraiment s’y abandonner. Dans une approche dickensienne, Moffat n’en retient pas tant le bonheur et la liesse que l’idée d’un espoir résiduel qui viendrait rattraper une situation mal embarquée. Son Noël est loin d’être pessimiste mais s’organise néanmoins autour de situations, majoritairement solitaires, où les maîtresses ont déserté, où l’on vieillit (Such Shall You Be) et l’on se languit de retrouver les siens (Only You).
Ce n’est pas pour autant que l’esprit de Noël n’est pas là, porté par la voix apaisée, et en mode spoken word, d’un Moffat chaleureux comme jamais et par le piano aérien et élégant de RM Hubbert. L’album démarre par le son de clochettes magiques qui introduisent la narration du beau A Ghost Story for Christmas. Il s’agit d’un conte gothique où, dans une maison abandonnée, une femme se lamente de l’absence de son amant, en se remémorant leur temps ensemble. On ne saura pas ce qui lui est arrivé mais sans doute est-il mort. La chanson s’achève dans un lamento tragique où la jeune femme l’appelle à elle en vain. Lonely This Christmas, une reprise du groupe glam anglais Mud (1974), est un slow ralenti à l’extrême, battu par une rythmique lourde et mécanique, où c’est cette fois un protagoniste masculin qui passe Noël en solitaire après avoir été quitté. La danse est macabre, maladroite et exécutée en solo, l’homme claudiquant, à chaque mouvement, sur l’absence de quelqu’un en face de lui. « You remember last year when you and I were here/we’d never thought there’d be an end/and i remember looking at you then and i remember thinking that christmas must have be mean for us because darling this the time of year that you really need love…./ So why are we lonely this christmas ?» La reprise est sans conteste le sommet du disque. Only You, autre reprise, de Yazoo cette fois, est exécutée avec respect et délicatesse mais on préfère de beaucoup le somptueux Weihnachstsstimmung où Moffat fait chanter les anges. « Nous n’avons pas besoin d’hommes savants ou de vierges », chantent-ils tandis que l’homme reprend leurs préceptes à son compte pour se tourner vers demain. Plus loin, on mettra en avant l’efficace Desire Path (baby please come home) à la rythmique très Arab Strap et The Fir Tree, emprunté à Hans Christian Andersen. On s’ennuie un poil avec Ode To Plastic Mistletoe avant que l’album ne délivre ses derniers joyaux avec notamment The Recurrence of Dickens, une réflexion sur Noël contée brillamment par ce Père Noël d’infortune et misère.
Aidan Moffat & RM Hubbert réussissent l’impossible ici : composer un bel album de Noël sans céder aux rythmes entraînants ou s’abandonner béatement aux standards de la période. Leur Noël est digne à défaut d’être joyeux, il est attentionné et habité à défaut d’être amoureux et peuplé de belles histoires. Ghost Stories se termine par un Jingle Bells chanté craché par un gamin coaché par Moffat et son comparse. C’est irrévérencieux et parfaitement bien vu. On attend maintenant comme nous l’a confié Malcolm Middleton de retrouver Moffat dans ses habits rouges et blancs des Noëls passés, ceux d’un Arab Strap reformé pour le meilleur et pour le pire. On est aussi prêts pour ça.
02. A Ghost Story for Christmas
03. Desire Path
04. Such Shall You Be
05. Lonely This Christmas
06. Weihnachtsstimmung
07. The Fir Tree
08. Only You
09. Ode To Plastic Mistletoe
10. The Recurrence of Dickens