Qu’est-ce qu’on dirait de ce disque s’il était l’œuvre d’un jeune groupe et pas d’un groupe qu’on a follement aimé entre 1990 et 1996 (oui, on trouvait aussi Tarantula assez cool à l’époque) ? Est-ce qu’on dirait que c’est un album emballant, décisif, original, agréable à l’oreille ? Est-ce qu’on l’écouterait seulement ? Qu’est-ce qu’on dirait ?
Pour dire la vérité, l’exercice est à la fois difficile et impossible mais il est très probable qu’on trouverait Interplay vraiment chouette et agréable, bien écrit et d’une belle élégance. Pour un groupe formé il y a presque 35 ans et qui signe ici un troisième LP « de la reformation », ce n’est tout de même pas si mal. Interplay n’est pas le meilleur disque de shoegaze ou de pop rock à guitares de ces dernières années (il est par exemple inférieur à à peu près n’importe quel disque des français du Dead Mantra, disparus il y a maintenant six ans) mais c’est un disque qui est pétri de qualités et dont l’équilibre entre le montage des guitares et le chant est souvent miraculeux. Peace Sign à l’ouverture est un joli tube pop, sorte d’hymne shoegaze pour boyscouts des années 2020, clair comme l’eau et qu’on chantonne sous la douche ou à vélo, une chanson juste et au texte gentiment oecuménique. Last Frontier, à la suite, est sans conteste l’un des meilleurs morceaux du disque. Ride ne sonne pas toujours comme New Order mais le quatuor d’Oxford réussit une composition qui ne ferait tâche sur aucun des disques (même les meilleurs) des Mancuniens. Le texte est aussi excellent que la mélodie, adolescent/évanescent, aérien, précis et fumeux à la fois comme sur Nowhere, le seul disque qui rivalisait avec l’abstraction qui parle à tous d’un Robert Smith enchanteur.
I lost my way trying to care about us
And the places we found here
I lost my way when I was safe
In the middle of my darkest hour
I lost my way when I found the flow
Was it good, was it bad? I don’t know
I never could tell, and I’ll never know
Ways of leaving, ways to say goodbye
Ways of seeing, seeing eye to eye
Ways of leaving, ways to say goodbye
Ways of seeing, seeing eye to eye
Ways of leaving, ways to say goodbye
Ways of seeing, seeing eye to eye
Seeing eye to eye
Seeing eye to eye
On a jamais vraiment su où voulaient en venir les Ride mais pratiquée à ce niveau, leur musique nous a toujours donné une force et une énergie incroyables comme si on volait ou qu’on allait, portés par leurs guitares, atteindre des sommets. C’est ce sentiment d’élévation juvénile vaguement spirituel qui rend la musique de Ride si fascinante et addictive. On ne peut pas dire que Light In A Quiet Room soit une chanson incroyable mais elle illustre à merveille l’idée qu’en écoutant cette musique notre personne, faible, inaboutie, a enfin une chance de se changer en autre chose, de subir une transformation qui va nous enrichir et nous élever à des hauteurs inconnues. Andy Bell a expliqué en interview que le groupe refilait souvent à ses morceaux, en studio, des noms de travail provisoires qui étaient des noms de ville. C’est pour ça qu’on a ici pas mal de titres qui s’appellent Monaco, Essaouira ou encore Portland Rocks.
Certains comme Monaco sont un peu atypiques et carrément pourris. D’autres sont anecdotiques comme Portland Rocks, qui ressemble assez aux chansons dont on ne se souvient pas trop mais qui servent à mettre l’ambiance ou à la soutenir sur leurs meilleurs albums. Essaouira ressemble à une recherche pas totalement aboutie mais assez fascinante d’aller défier les Stone Roses sur le terrain du troisième album qui n’a jamais existé. Ride est un groupe qui a l’air de s’amuser et refuse de brancher le pilotage automatique. Les chansons d’Interplay ne vont pas toutes dans le même sens et semblent explorer des voix/voies différentes. On aime bien I Came To See The Wreck qui a de faux airs de Duran Duran. Stay Free est gentiment minimaliste et un peu léger dans son message d’affirmation personnelle.
Stay free, stay golden, if you can
Turn away from the darkness
Surrender to the light
Stay free, if you can
If you can, stay free, stay golden
Turn away from the darkness
Surrender
On mérite un peu mieux que ça mais la tentative folk est plutôt amusante. Avec le ton, la faveur qu’on accordait aux chansons de Mark Gardener sur celles d’Andy Bell s’est quelque peu atténuée. Gardener est toujours un poil plus charmant et enjôleur, Bell plus mécanique et moins arrondi. Sur Last Night I Went Somewhere to Dream, on se croirait dans une rom’com sur fond de ciel rose où deux adolescents se pelotent sous un platane. On accueille le supplément de douceur avec bonheur et on rêve à celui qu’on était jadis. Tout n’est pas heureux ici mais il y a une application qui reste louable et suffit à nous faire partager l’émotion. Le final Yesterday Is Just A Song est un peu laborieux mais finit par décoller vers un futur bienveillant et glorieux.
Time runs and passes
Good times come in flashes
Sadness seeps in slow
Weighs you down, gets in your bones
But nothing’s as it seems
And you’ll never know what is
But you can change a feeling
In a moment just like thisHere we are today
Tonight’s in view
Ride pourrait-il débrancher définitivement ses guitares ? Devenir autre chose ? Cette perspective d’un demain sans électricité nous terrifie rien que d’y penser. Cette dernière chanson en forme de point d’interrogation invite à revenir au début et à reprendre l’allégresse de Peace Sign en pleine poire.
On pourrait très bien écouter ce disque à l’aveugle et le trouver bon. C’est peut-être le meilleur compliment qu’on puisse faire à Ride cette fois-ci.
02. Last Frontier
03. Light in a Quiet Room
04. Monaco
05. I Came to See the Wreck
06. Stay Free
07. Last Night I Came
08. Sunrise Chaser
09. Midnight Rider
10. Portland Rocks
11. Essaouira
12. Yesterday Is Just a Song
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