Le titre est probablement un peu forcé mais on arrive vite à cette idée, à l’écoute du tout frais Dont Know What I Am des Américains d’Alien Boy que mélanger la fougue EMO des Anglais avec un brin d’esprit pop et d’électricité pourrait représenter le futur, un peu lisse mais si agréable à l’oreille, de la nation gothique. Sonia Weber, la chanteuse guitariste queer (elle ressemble à un garçon), n’a pas la séduction vénéneuse d’un Brian Molko mais elle renvoie suffisamment d’ambiguïté pour qu’on soit séduit. Sa voix est l’un des principaux facteurs d’intérêt du groupe qu’elle œuvre dans un registre offensif comme sur l’excellent Nothing’s Enough ou dans un plus classique tempo college rock sur l’efficace Dear Nora. Alien Boy présente suffisamment de qualités pour ne fâcher personne : entre les guitares jangly, les segments électriques à la My Bloody Valentine/Ride, et les hymnes grungy, on a l’impression d’assister à une revue des meilleures influences adolescentes réinterprétées avec une insouciance et une lumière West Coast. Tout cela est taillé pour les nouvelles générations avec un son presque propre et des guitares mixées en avant.
Le résultat loin d’être indigeste est à la hauteur de ce qu’on pouvait attendre : un bon bréviaire de chansons, de riffs, de lignes de basse et de roulements de tambour (le batteur Derek McNeil est excellent) qui exprime l’incertitude d’être adulte, les troubles de l’amour et les relations troubles à autrui. Il y a dans les textes de Sonia Weber une intimité qui confine à l’universalité, une indécision qui renvoie à l’abstraction de The Cure et rend tout ceci à la fois lointain et profondément personnel. C’est évidemment en ne parlant à personne (pas même à soi) qu’on se fait entendre de tout le monde, et Alien Boy a cette capacité innée à sonner étrange, triste et en colère, séduisant et en retrait, qu’ont les grands groupes pop. Le groupe (ils sont quatre) est originaire de Portland et ce disque constitue leur deuxième véritable album. Le nom du groupe vient de l’histoire d’un jeune homme schizophrène, James Chasse, décédé après une brutale interpellation par des policiers tordus. Mort à 32 ans, en 2006, pendant son transfert de l’hôpital où on avait refusé de le soigner au poste où on l’avait tabassé (26 fractures au compteur), James Chasse surnommé Alien Boy (le documentaire sur ce cas vaut le détour) est devenu emblématique du manque de formation des policiers pour se confronter aux malades mentaux.
On a un petit faible sur cet album pour le beau Something Better dont le texte dit assez bien ce à quoi on a affaire ici :
Is it okay to still feel this way?/ Growing pains lasting longer every day /Aging away/
It all starts to fade/ Now yr just a whisper/ Humming warmly in my dreams/
I used to think you could hear me/ Now yr just a whisper/ Sing it slowly back to me /
What did it mean? /
I want something better than out here /
I want something more
Alien Boy est le groupe de ceux qui ne sont jamais pleinement satisfaits, le groupe de ceux qui veulent se faire la malle pour espérer trouver une vie meilleure. L’existence est une déception : c’est la clé de tout.