Aline / La Vie Electrique
[PIAS]

Aline La vie électriqueLa Vie Électrique compile une somme impressionnante de contradictions. L’un de ces cas d’espèce que la scène pop française engendre de temps à autre. Un disque qui doit être abordé sans certitude et avec recul, au risque d’ériger des a priori en vérités absolues.

A bien des égards, le deuxième album d’Aline qui parait sur le label PIAS soulève les mêmes interrogations, provoque le même rictus contrarié, alimente la même polémique que Nouvelles Du Paradis, le troisième album de Chelsea (Barclay). C’était il y a une éternité, 1994, et pourtant, rien n’a changé, on ne sait toujours pas comment appréhender ces chansons pop ciselées qui s’expriment en français et abolissent la distanciation fantasmée par l’usage d’une langue étrangère. La mémoire étant parfois défaillante, on avait d’ailleurs oublié que Stephen Street s’était alors aussi penché au chevet de ce disque qui avait valu à la bande d’Emmanuel Tellier (qui faisait alors les belles heures des Inrockuptibles) de se faire égratigner par certains qui avaient pourtant le toupet de ne jurer que par The Pale Fountains et The Smiths. Et il suffira de s’attacher aux arrangements, à la mise en scène de certaines parties de guitares maintenues au second plan avant d’éclater de façon étincelante, pour comprendre que le quintet a bénéficié des astuces que le producteur anglais utilise depuis les début des années 80 pour sublimer, ici un refrain qui devient un hymne, là, un pont en équilibre précaire. C’est à ce prix que ces chansons nourries à la ligne claire britannique, et portant en elles toutes les influences de la pop anorak chère à Sarah Records et Postcard, peuvent durer dans le temps, sans s’épuiser en se dévoilant trop vite.

Pour autant, Aline est aussi coupable de fautes de goûts flagrantes comme l’horrible tentative reggae de Plus Noire Encore (digne d’un slow de Raymonde & Les Blancs-Becs) ou en singeant les postures rockabilly de Morrissey quand il bande les muscles avec ses amis bikers (Promis Juré Craché). Même dans ces passages les plus éclatants (Avenue Des Armées, Les Angles Morts), Romain Guerret et ses amis frôlent maintes fois le mauvais goût. Bien des roucoulades et minauderies n’étaient pas nécessaires (les chœurs convenues sur Les Mains Vides), la ligne de clavier jouée à deux doigts entache la mélodie ascensionnelle – absolument irrésistible – de La Vie Électrique (le morceau), la fin prématurée de Chaque Jour Qui Passe déroute. D’ailleurs, le chant appliqué semblera aux oreilles de certains trop poseur, les claviers sonneront datées et simplistes, le ton fleur bleu agacera. Car, bien sûr, il y a les paroles que chacun pourra comprendre sans mal dans leur sens premier (contrairement aux monceaux de niaiseries en anglais qu’on s’infuse par ailleurs sans ciller).

Reste à chacun d’apprécier, l’authenticité et la sincérité des propos. Les paroles de Les Résonances Cachées pourraient relever d’élans poétiques juvéniles mais on y verra l’expression désabusée des doutes du quadra (« Qu’est-ce que tu fais, avec moi, si tu souffres ? » qui s’éteint sans réponse). Aline se fait renversant et renverser sans cesse dans cet album qui avance sans calcul, comme si ces gars étaient dénués de tout cynisme. Cette naïveté suscite la crédulité, les clichés assumés arrachent un sourire… Mais les chansons, portées par des entrelacs de guitares cristallines, devraient s’imposer sans arrière pensée à qui est sensible aux belles mélodies.

Tracklist
Tracklisting CD :
01. Avenue des armées
02. Les résonances cachées
03. La vie électrique
04. Les angles morts
05. Plus noir encore ’
06. Tristesse de la balance
07. Chaque jour qui passe
08. Une vie
09. Les mains vides
10. Promis, juré, craché + Mon dieu, mes amis (ghost track)
Titres supplémentaires disponibles sur le vinyle :
LP1 / Face B : 04. Et si le diable est ailleurs
LP2 / Face D : 01. Pour adultes & adolescents

Lire aussi :
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