On avait évoqué à sa sortie le beau EP de Bleu Reine, Elémentaire. Loin des lions en constitue le troisième extrait et nous confronte à nouveau au sentiment de magie électrique qui se dégage des meilleurs morceaux de la jeune parisienne.
Loin des Lions parle de coups de griffe et d’envie de fuite, du sentiment de se sentir cernés par les menaces et de prendre le champ pour une cavale infernale et nocturne. Le texte est gentiment elliptique et permet à chacun d’investir la pièce avec ses propres angoisses.
Encore cent bornes à attendre/ Des fourmis, des éclairs / Si tu me vois descendre / En cours de route me taire/ Des mirages hors saison/ Des piscines, des maisons/ Encore en cavale/ Loin des lions/ Encore un tome à plier / Des amandiers, des cimes / Si tu m’entends crier / Dans ton blouson en jean/ Des regards, des silences / Des coups de griffes, de chance Encore en cavale A contresens Oh, loin des lions.
La voix de Bleu Reine disparaît/apparaît à l’arrière-plan, comme si elle hésitait entre la fuite et l’affrontement. On retrouve dans l’arrangement et la rythmique, signée Arnault Destal, ce brin de nervosité et de tension qui irradiait les meilleurs pièces du Danger de Françoise Hardy, produit alors par Alain Lubrano et Rodolphe Burger. C’est à cet album ancien (1996) et ce registre à la fois doux, sombre et rock que fait penser le travail de Bleu Reine. Elle fait preuve en tout cas d’une capacité similaire à transformer des attributs (une voix, un visage, une mélodie) que d’aucuns qualifieraient de normaux en un objet artistique exceptionnel. Ce talent là ne demande qu’à fructifier. On espère qu’un album prochain confirmera cela.