Est-ce l’ultime crépuscule avant l’éclipse définitive de l’industrie du disque ou l’aube d’une nouvelle ère ? Si Color Theory est particulièrement mal attifé (une pochette « abomifreuse » dans un boîtier cristal à l’heure où tout le monde privilégie des éditions collector hors de prix), toujours est-il que Caroline (donc EMI, donc Universal) semble y croire dur comme fer, comme à la grande époque, à l’heure de promouvoir le nouvel album de Soccer Mommy. D’ailleurs, tout un chacun pourra se procurer l’album sur support physique dans n’importe quel supermarché culturel pour moins cher que la version digitale. Oui, même au pays du fromage qui pue. A croire que la major se lance dans une opération d’évangélisation.
Au-delà de ces considérations qui pourraient faire l’objet d’un sujet de recherche pour un étudiant en licence de sociologie de la musique, on est ravi de constater que certains semblent prêts à croire aux vertus de la musique, pourtant hyper formatée, de Sophie Allison. Grand bien leur fasse. Car si l’ascendance des dix compositions de l’Américaine sonne comme une évidence, n’en demeure pas moins que ces chansons dégagent un véritable charme. Au-delà du rationnel même. Cela ressemble à tant de disques entendus depuis les 90’s qu’il est presque impossible de pointer LA référence évidente – on est seulement certains que les filiations récentes sont une véritable foutaise. Il faudrait aller chercher du côté de Juliana Hatfield, Veruca Salt, Liz Phair, Throwing Muses, Belly, Hole, Elastica, The Breeders, Stina Nordenstam. Mais en fait, on s’en fout du name-dropping que l’écoute du quatrième album de la New-Yorkaise suscite – même si c’est fun de se replonger dans notre discothèque.
La voix de Soccer Mommy est saisissante. Fraîche, naïve, pure, évidente. Le ton est doucereux. Entre mélancolie juvénile et espoir transis. Dès la première écoute, l’impression de proximité s’impose. Il est facile de se projeter dans ces chansons qui auront toujours l’âge du premier baiser, de la première romance avant l’inévitable rupture qui marque l’effondrement d’un monde qu’on croyait déjà être un empire. Ceux qui n’admettent pas que, pour écouter et non pas seulement entendre, il faut baisser la garde, ceux pour qui placer un disque sur la platine est une chose à partager sur les réseaux sociaux pour exister sous le regard des autres n’y comprendront probablement rien. On les plaint. Car rien n’est plus bienfaisant que de se livrer comme Soccer Mommy le fait. Color Theory est une leçon de vie par une gamine qui se contrefiche de la portée de ce qu’elle fait.
02. Circle The Drain
03. Royal Screw Up
04. Night Swimming
05. Crawling In My Skin
06. Yellow Is The Color Of Her Eyes
07. Up The Walls
08. Lucy
09. Stain
10. Gray Light