Tom Holkenborg / Godzilla vs Kong Original Soundtrack
[Water Tower Music]

7.5 Note de l'auteur
7.5

Godzilla vs. Kong (Original Soundtrack)Épique : s’il n’ y a qu’un adjectif à utiliser pour décrire cette nouvelle BO MONSTRUEUSE du néerlandais Tom Holkenborg aka Junkie XL (son nom de DJ du temps où il sévissait dans les milieux de la house music), c’est bien celui-ci. L’auteur de la musique de Mad Max Fury Road, de Dead Pool, d’Alita et du récent remontage de Justice League par Zack Snyder, est en train de s’affirmer comme l’un des meilleurs compositeurs pour blockbusters de la planète et prend ici la relève du non moins fameux Bear Mc Creary (Godzilla 2). Son itinéraire est suffisamment fascinant pour en faire un personnage hors norme : musicien classique (piano) à l’âge de trois ans, Junkie XL va ensuite s’affirmer par des travaux personnels dans la house et le breakbeat tout en signant progressivement des travaux commerciaux qui nourrissent son hyper-activité. Il sera membre du collectif Weekend at Waikiki et sera choisi pour remixer le A Little Less Conversation ultra-exposé d’Elvis Presley. Holkenborg ne connait pas la pression et grimpe les échelons d’un système qui récompense les travailleurs acharnés et ceux qui sont capables de tenir les délais. Il bosse avec Harry Gregson-Williams puis avec le maître Hans Zimmer sur plusieurs films de Christopher Nolan. Dès lors, Holkenborg n’a plus de limites. Cette BO de Godzilla vs Kong en témoigne : signer un tel score sur un film aussi médiocre marque une dévotion presque totale  au système et une capacité incroyable à s’abstraire du support originel pour donner le meilleur de soi-même.

Holkenborg est si doué qu’il réussit à faire croire à nos oreilles que Godzilla vs Kong est un bon film : le thème de Godzilla, hérité partiellement du précédent film de la franchise, est énorme d’efficacité et d’une lourdeur exceptionnelle. C’est exactement comme cela que le monstre doit sonner : crépitant, inquiet, pesant. Antonio Di Iorio, dont on reparlera un autre jour et qui assiste Holkenborg ici sur les parties orchestrales, n’est pas en reste même si c’est lui, semble-t-il, qui est à l’origine des thèmes « à la flûte de Pan » qui marquent la curiosité du film : le crush du gros Kong pour une petite fille asiatique abandonnée, qui est sans doute l’astuce scénaristique la plus idiote du film.  A côté du thème de Skull Island, somptueux, on a ainsi droit à un développement au synthé qui donne l’impression que des gars avec des bonnets laineux vont venir nous fourguer de gros paquets de café colombien. La BO fait ce qu’elle peut pour gonfler les enjeux d’un film qui se résume à des affrontements certes monumentaux mais qui frisent l’ineptie. Holkenborg sort ses meilleurs synthés pour donner à Apex Cybernectics des allures de méchanceté mais cela ne fonctionne pas vraiment.

On est venus uniquement pour les combats et les compositeurs le savent. C’est sur ces séquences qu’ils sont attendus pour faire tenir les pixels, les écrans verts et les géants bidon ensemble. Alors tant pis si A New Langage est un  brin ridicule, il faut se rattraper quand ça castagne et suggérer qu’une aube nouvelle se lève. Passé un Just Now de transition plutôt élégant, on embarque sur l’impeccable Tasman Sea et on en a pour notre argent. Déferlements de cordes, rythmique martiale, des violons qui zèbrent l’arrière-plan en dessinant un suspense imaginaire. Et le tour est joué. A ce degré là, la partition de Holkenborg joue presque l’understatement, s’évitant les cymbales et les effets de manche qui discréditeraient l’ensemble. La BO s’organise autour d’un thème par monstre et Holkenborg se paie le luxe, s’agissant de Godzilla, de s’affranchir du motif de référence composé par le Japonais Ifukube pour suivre sa propre voix. Le thème de Kong est peut-être plus consistant que celui du monstre japonais mais les deux s’ajoutent et se confondent avec beaucoup de panache et d’à propos. Lorsqu’on en arrive à Hollow Earth, c’est un festival de précision, d’explosion, de rythmiques. On arrive ici dans le cœur de la BO, mélange d’héroïsme parfaitement rendu et complété habilement par un ensemble vocal, et de baston cataclysmique. Holkenborg soigne sa progression et tient Kong et Godzilla à distance l’un de l’autre musicalement pour différer le moment de l’affrontement. Des plages plus tranquilles assurent une sorte de zone tampon qui tient ce qu’elle tient et crée une certaine attente. The Throne est une pièce magnifique, ample et noble comme ses personnages qui s’achève dans la délicatesse et la nuance. Lorsqu’il faut retourner au combat (Nuclear Blast), la BO répond présent. Ca tabasse sec et on ne peut pas dire que la partition renouvelle le genre même si le maniement de l’électronique qui intervient à ce stade procure un frisson moderniste qui caractérise le style du Hollandais. L’enchaînement The Royal Axe et bien sûr Mega (lorsqu’un troisième protagoniste vient troubler le jeu) dégage une belle puissance, beaucoup plus digeste que ce qui se passe sur l’écran et qui, à ce régime, finit par lasser.

Holkenborg rassemble ses dernières idées pour un final éblouissant de 13 minutes qui marie densité électro et puissance organique. Entre le crescendo épique, l’emphase omniprésente et la bizarrerie apportée par les synthés, c’est quand même du grand art et surtout un machin quasi irrésistible. La reprise des motifs des deux monstres est astucieuse et tout cela est fait avec beaucoup de passion et d’esprit. On a beau composer pour un film complètement naze, ce n’est pas pour autant qu’il faut se moquer du monde. C’est la BO qui sauve le film, c’est elle qui prolonge l’intérêt et évite le naufrage. C’est elle qui donne corps aux monstres et peut (par intermittence) nous faire croire à leurs sentiments, à la noblesse des enjeux (en carton) du jour. Alors chapeau Holkenborg car c’était quasi mission impossible. On n’a même pas envie de dire qu’avec un peu plus de subtilité…. Ce n’était pas pour ce film là. La musique aura fait ce qu’elle a pu. Merci pour elle.

Tracklist
01. Pensacola, Florida (Godzilla Theme)
02. Skull Island (Kong Theme)
03. Apex Cybernetics
04. A New Language
05. Just Now
06. Tasman Sea
07. Through There
08. Antarctica
09. Hollow Earth
10. The Throne
11. Lunch
12. Nuclear Blast
13. The Royal Axe
14. Mega 7
15. Hong Kong
Écouter Tom Holkenborg - Godzilla vs Kong Original Soundtrack

Liens
Recevez chaque vendredi à 18h un résumé de tous les articles publiés dans la semaine.

En vous abonnant vous acceptez notre Politique de confidentialité.

More from Benjamin Berton
Chanson de la semaine : Lewsberg passe sa visite médicale
Le quatrième album des Hollandais de Lewsberg sortira en auto-édition le 15...
Lire la suite
Leave a comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *